Les rorquals communs du nord du golfe du Saint-Laurent sont en déclin, selon une nouvelle étude publiée dans Ecology and Evolution. La population serait passée de 335 individus entre 2004 et 2010 à 291 individus entre 2010 et 2016. La diminution du taux de survie apparent, qui correspond à la combinaison de la mortalité et de l’émigration, est aussi plus marquée depuis 2012. Ces changements sont inquiétants pour le rorqual commun, qui a le statut d’espèce préoccupante selon la Loi sur les espèces en péril du Canada.

Compter les rorquals communs grâce aux archives photos

Pour estimer l’abondance des rorquals communs, les chercheurs ont procédé à une technique de capture-marquage-recapture par photo-identification. Il s’agit d’une méthode statistique qui consiste à «marquer» les individus observés en les photographiant puis, lors d’une observation subséquente, à compter les individus marqués. Un calcul permet ensuite d’estimer le nombre réel de rorquals communs. L’analyse des données de photo-identification compilées depuis 1982 dans la région du nord du golfe du Saint-Laurent par la Station de recherche des iles Mingan a ainsi permis de dresser un portrait de l’évolution de la population.

Les résultats de cette méthode peuvent être faussés si la population à l’étude n’est pas «fermée», c’est-à-dire que des individus peuvent en sortir, comme c’est le cas pour les rorquals communs. Pour éviter ce biais, les chercheurs ont inclus une autre analyse statistique qui a permis de différencier les rorquals communs réguliers (c’est-à-dire ceux qu’on voit pratiquement tous les étés) des visiteurs occasionnels, limitant ainsi les risques de mauvaise estimation de la taille de la population.

Des accidents fréquents

Les raisons du déclin ne sont pas encore confirmées, mais il est probable que les activités humaines soient en cause. Le rorqual commun est l’espèce la plus fréquemment impliquée dans les collisions avec des navires, des accidents qui peuvent être fatals. Ils sont aussi susceptibles de s’empêtrer dans des engins de pêche. De plus, les évènements de mortalité des rorquals communs sont probablement sous-estimés puisque, contrairement aux baleines noires, leur carcasse ne flotte pas nécessairement à la surface. Les chercheurs n’ont donc pas accès à la totalité des carcasses, ce qui limite l’étude des causes de mortalité.

Un écosystème en changement

À l’échelle mondiale, la situation des rorquals communs s’améliore, selon les plus récentes estimations de l’Union internationale pour la conservation de la nature. Toutefois, à l’échelle de la population du nord du golfe du Saint-Laurent, des changements environnementaux pourraient jouer en leur défaveur. La glace se retire plus tôt à la fin de l’hiver et l’eau se réchauffe. Ces changements pourraient influencer la disponibilité de nourriture dans la région et les inciter à modifier leur aire d’alimentation, ce qui pourrait expliquer le nombre décroissant d’individus visitant la région des iles Mingan. Cette hypothèse devra être étudiée plus en profondeur puisque la diminution de l’abondance de nourriture est incertaine. De plus, si les rorquals communs se sont réellement déplacés, on devrait pouvoir les observer dans une autre région. Ce n’est pas le cas pour le moment, mais plusieurs zones du Saint-Laurent ne sont pas étudiées pour déterminer la présence de rorquals communs.

«Avec les changements climatiques, les chevauchements entre les trajectoires des bateaux et les baleines peuvent changer», explique Christian Ramp, coauteur de l’étude et coordonnateur de la recherche à la Station de recherche des iles Mingan (MICS). La recherche doit donc se poursuivre pour que des mesures de protection éventuelles soit réellement adaptées à l’aire d’alimentation des rorquals communs. Par exemple, des réductions de vitesse pourraient être imposées, comme dans le cas des baleines noires, pour réduire les risques de collisions.

Source

  • (2019) Schleimer, A., C. Ramp, J. Delarue, A. Carpentier, M. Bérubé, P. J. Palsbøll, R. Sears et P. S. Hammond. Decline in abundance and apparent survival rates of fin whales (Balaenoptera physalus) in the northern Gulf of St. Lawrence. Wiley Ecology and Evolution 2019: 1-14
Actualité - 4/4/2019

Jeanne Picher-Labrie

Jeanne Picher-Labrie a rejoint l’équipe du GREMM en 2019 comme rédactrice à Baleines en direct et naturaliste au Centre d’interprétation des mammifères marins. Baccalauréat en biologie et formation en journalisme scientifique en poche, elle est de retour en 2021 pour raconter de nouvelles histoires de baleines. En se plongeant dans les études scientifiques, elle tente d’en apprendre toujours plus sur la mystérieuse vie des cétacés.

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