Les projets d’oléoducs à travers le Canada tardent à être opérationnels et rencontrent de nombreuses oppositions. C’est donc par le fleuve que le pétrole des sables bitumineux sera exporté à partir de septembre. Avec des risques supplémentaires pour l’environnement marin et ses écosystèmes, les communautés côtières et leurs activités socioéconomiques.
À Sorel-Tracy, en bordure du fleuve Saint-Laurent, la compagnie Kildair réceptionne et stocke depuis la mi-juillet du pétrole lourd provenant de l’exploitation des sables bitumineux en Alberta. Mi-septembre, elle en remplira ses bateaux-citernes qui rejoindront les États-Unis en passant par Montréal ou par la côte est. Si des navires transportent déjà régulièrement du pétrole de tous types sur le Saint-Laurent en provenance de pays fournisseurs (comme l’Algérie), c’est la première fois qu’ils exporteront du pétrole albertain non raffiné, au rythme prévu d’un à deux bateaux par mois. Ces superpétroliers mesurent environ 250 m de longueur et ont une capacité de 350 000 barils (un baril contient 159 litres).
Risques, menaces et tollé
Les groupes environnementaux ont vivement réagi à cette nouvelle rapportée par Radio-Canada. La Fondation Suzuki redoute que ce nouvel acheminement soit « un prélude à des exportations massives de pétrole lourd sur le fleuve Saint-Laurent, source d’eau potable pour 43 % des Québécois ». Elle fustige le gouvernement québécois, son ministère de l’Environnement et celui des Transports, d’avoir fourni les autorisations sans véritable évaluation environnementale et sans avoir consulté la population, et réclame la tenue d’un Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE).
Pour le transfert du pétrole arrivant par wagons-citernes et pour son stockage dans ses réservoirs, Kildair a obtenu les autorisations du ministère de l’Environnement en décembre 2013. L’entreprise possédait déjà des infrastructures qu’elle a modifiées pour recevoir ce type de pétrole et renforcées pour la sécurité, étant donné la nature hautement inflammable de ce type de pétrole. Le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) n’a donc pas eu à se prononcer, devant le faire seulement quand il s’agit de nouvelles installations.
Avec cette perspective d’exportation de pétrole brut par la voie maritime se profilent plusieurs menaces pour l’environnement et les écosystèmes. Associés à l’accroissement du trafic maritime, la pollution sonore et les risques de collision avec les mammifères marins augmentent. Les eaux de ballast prélevées en milieu océanique, dont les navires pétroliers doivent se débarrasser pour prendre leur cargaison dans un port du Saint-Laurent, risquent d’introduire des espèces exotiques et un taux de salinité supérieur à celui de l’estuaire et à fortiori du fleuve, entraînant des modifications du milieu. Les déversements lors des chargements du pétrole à bord des navires dans les ports sont fréquents. Le risque de marée noire liée à un accident d’un superpétrolier est à prendre en compte, d’autant plus que les conditions hivernales de glace du Saint-Laurent rendent les possibilités d’intervention très difficiles et que le pétrole brut, un hydrocarbure particulièrement toxique, coule dans les profondeurs.
En plus du projet de port pétrolier à Cacouna
Cette nouvelle donne s’ajoute et rejoint le contexte du projet de construction d’un port pétrolier à Cacouna, sur la rive sud de l’estuaire, et du transport du pétrole dans la voie maritime. Ce projet, dès les premières étapes envisagées pour l’exploration géophysique, a soulevé l’opposition de scientifiques et de nombreux citoyens. Dans l’habitat essentiel du béluga du Saint-Laurent, en déclin depuis le début des années 2000, les sondages sismiques censés se dérouler en pleine période des naissances constituent une menace pour le rétablissement de la population.
Envers le projet de port à Cacouna, le comité de coordination du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent, traversé par la voie maritime et les navires, a d’ailleurs fait part de ses préoccupations concrètes dans une lettre adressée à la ministre fédérale des Pêches et des Océans, le 23 mai dernier. Ce comité, constitué d’élus, de scientifiques, de représentants de l’éducation et du tourisme, est présidé par le professeur Émilien Pelletier, professeur en océanographie chimique à l’Institut des sciences de la mer de l’Université du Québec à Rimouski. Quant aux communautés côtières, elles craignent ses impacts sur les secteurs de la pêche et du tourisme, notamment sur les activités d’observation des mammifères marins.
Les craintes liées à l’industrie pétrolière, qu’elles concernent l’exploration, l’exploitation ou le transport du pétrole, sont aussi valables pour l’estuaire maritime du Saint-Laurent que pour la partie fluviale et celle du golfe. Les forts courants, qu’ils soient générés par le flot de la rivière ou les marées, sont un facteur important de dispersion d’une nappe de pétrole. Des Grands Lacs à l’Atlantique, les écosystèmes sont reliés et interdépendants.
Sources
Sur le site de Radio-Canada:
Pétrole des sables bitumineux à Sorel-Tracy : Québec a donné le feu vert en 2013
Suncor ouvre la porte à l’exportation de pétrole par le Saint-Laurent
En savoir plus
Sur le site de Radio-Canada:
Or noir à vendre
Sur le site de La Presse:
Un fleuve de pétrole
Sur le site de la Fondation David Suzuki:
Exportation de pétrole issu des sables bitumineux sur le Saint-Laurent
Sur le site de Baleines en direct (archives Actualités d’ici et d’ailleurs):
Projet de port pétrolier à Cacouna: un danger pour les bélugas