En ce lundi après-midi de l’Action de grâce, un groupe de kayakistes rejoint tranquillement le quai de L’Anse-de-Roche, lorsqu’un splash! sonore retentit derrière eux. Le guide se retourne et aperçoit le long corps fuselé d’un phoque commun s’élancer dans les airs. Trois fois d’affilées! «Cela fait plusieurs semaines qu’on voit parfois une tête de phoque sortir de l’eau, à l’occasion, mais je n’avais jamais vu un phoque breacher», s’étonne-t-il. En réalité, les phoques adoptent parfois une technique de nage proche de celle des marsouins pour se déplacer plus rapidement tout en dépensant moins d’énergie. Les mouvements ondulatoires et les petits bonds au-dessus de la surface permettraient en effet de réduire les frictions entre le corps et l’eau.

Dauphins et marsouins d’automne

Bondir hors de l’eau, c’est justement la spécialité des dauphins à flancs blancs, qui apportent une touche de couleur sur le fleuve en cette saison. Samedi, le collaborateur de la station de recherche des îles Mingan (MICS), René Roy, croise un horizon infini de dauphins à flancs blancs entre Matane et Pointe-des-Monts. «Ils étaient des centaines, pour ne pas dire peut-être des milliers», précise-t-il.

Lors de ses sorties en bateau au large de Sept-Îles, le navigateur Jacques Gélineau rapporte avoir lui aussi observé une centaine de dauphins colorés. «Ils sont en petits groupes isolés, mais parfois, ça se rapproche, ça échange et ça saute haut dans les airs. ». L’observateur note aussi la présence de thons rouges, de deux rorquals communs et d’une dizaine de petits rorquals. « Samedi, j’ai aussi croisé une douzaine de marsouins, raconte-t-il. Ça paraît qu’ils commencent à se rassembler en prévision des migrations. »

Frénésie de grands rorquals et de grandes questions

Les migrations… c’est LA grande question de ces dernières semaines. «Les baleines sont-elles encore là? Vont-elles bientôt partir?», nous questionnent sans cesse nos lecteurs. Bonne nouvelle: cette semaine, nous avons concocté pour vous un article qui détaille les périodes de migration de chacune des espèces qui fréquentent le Saint-Laurent!

Nos observateurs, quant à eux, répondent à leur manière, nous envoyant régulièrement leurs plus belles photos et vidéos de baleines. Car dans l’estuaire, et particulièrement dans et autour du parc marin du Saguenay – Saint-Laurent, les rorquals à bosse et les rorquals communs sont encore présents en grand nombre et délivrent chaque semaine un spectacle hallucinant. « Jeudi dernier, aux environs de 16h, nous étions installés sur les roches à Essipit, et nous avons vu une baleine à bosse, à peu de distance, faire des sauts à 31 reprises! Le son produit lorsque la baleine retombait sur l’eau était incroyable. Ce fut une chance unique d’être les spectateurs d’un aussi beau spectacle », raconte une fidèle lectrice.

De l’avis général, la saison 2021 est une année exceptionnelle en ce qui concerne le nombre de rorquals à bosse dans l’estuaire. On estime que plus d’une centaine d’individus différents seraient venus s’alimenter au large de Tadoussac et des Escoumins ! Comment le savons-nous ? Grâce aux patrons de coloration présents sous la queue et qui forment un dessin unique pour chaque baleine à bosse. En photographiant leurs queues au moment où elles plongent, il est possible de les identifier et donc de les dénombrer. Vous êtes plusieurs à nous demander comment faire pour identifier les individus que vous avez pu photographier lors d’une croisière. Les catalogues des équipes de recherche du MICS et du GREMM ne sont malheureusement pas accessibles au grand public. Néanmoins, vous pouvez vous essayer de « matcher » vos photos avec les individus présentés dans la section Portrait de Baleines en direct. Attention, les différences entre individus sont parfois subtiles!

Mardi 12 octobre, René Roy sort en bateau dans l’estuaire, entre Bergeronnes et Saint-Simon-sur-Mer, et confirme la densité de baleines présentes dans le secteur. «En un tour rapide, j’ai compté 17 rorquals à bosses et 3 ou 4 communs. Les baleines étaient très actives.» Qu’est-ce qui les amène en si grand nombre dans le coin? C’est une question qui intrigue de nombreux lecteurs, et le collaborateur du MICS pense avoir un élément de réponse : «Sur mon sonar, je pouvais voir une très très grande densité de proies sous moi: il y avait près de 100 pieds d’épais de bancs de poisson dans lequel les baleines venaient se goinfrer. J’ai vu plusieurs baleines déféquer, et les fèces étaient de couleur gris-brun, ce qui indique bien une alimentation en poisson et non en krill», précise-t-il. Ce manque de krill serait aussi la cause de la rareté de rorquals bleus dans le Saint-Laurent cette année, pense-t-il.

Défilé de phoques et de petits rorquals

Mercredi 13 octobre, un habitant de l’Anse-à-Pierrot voit passer un petit rorqual sous ses fenêtres. Vingt minutes plus tard, un nouveau souffle lui fait lever la tête de son ouvrage: cette fois c’est une vingtaine de dos blancs, accompagnés de quelques dos gris foncé, qui s’étirent sur la largeur du fjord. Régulièrement observés à l’embouchure du Saguenay, au niveau de la ligne des traversiers, les petits rorquals poussent régulièrement l’exploration plus loin vers l’ouest. Samedi, un groupe de visiteurs posté à la halte aux bélugas a ainsi eu le loisir d’observer un petit rorqual sillonner la baie Sainte-Marguerite, à Sacré-Coeur. Les petits dos noirs viennent également saluer des observateurs de Port-au-Persil venus profiter de la longue fin de semaine.

«Pas de baleine, mais des phoques à Gallix, écrit une observatrice. Au moins six phoques qui semblaient être tous des communs ont défilé le 9 octobre, vers 11h, depuis l’est en direction de l’embouchure de la rivière Sainte-Marguerite». Un autre groupe de phoques a été vu ces derniers jours, se prélassant à l’embouchure de la rivière aux Rochers, à Port-Cartier, et une quinzaine de pinnipèdes à l’espèce non identifiée squattent les rochers devant Sept-Îles. Dans l’archipel de Mingan, on note des phoques gris par centaines, nageant et plongeant un peu partout.

Du côté de Gaspé, les rorquals à bosse sont toujours au rendez-vous, au large, pour les croisiéristes qui jouent les prolongations. Mais dans la baie, c’est le domaine des phoques communs et des phoques gris, qui semblent se régaler de bar rayé. Ils sont signalés sur la plage Haldimand, à Cap-aux-Os ou encore au cap Bon-Ami. «On entend régulièrement des concerts de phoques, souligne une riveraine. À L’Anse-aux-Cousins, il y a environ 8 gros phoques pour seulement deux grosses roches, alors ça se chicane en permanence ! »

Carte des Observations

La carte des observations, c’est fini pour la saison ! Retour des cartes hebdomadaires en mai 2022. En attendant, continuez de suivre nos chroniques des Observations de la semaine tout l’hiver sur Baleines en direct !

N’hésitez pas à nous partager vos belles observations de mammifères marins en nous écrivant à [email protected].

Observations de la semaine - 14/10/2021

Laure Marandet

Laure Marandet est rédactrice pour le GREMM depuis l'hiver 2020. Persuadée que la conservation des espèces passe par une meilleure connaissance du grand public, elle pratique avec passion la vulgarisation scientifique depuis plus de 15 ans. Ses armes: une double formation de biologiste et de journaliste, une insatiable curiosité, un amour d'enfant pour le monde animal, et la patience nécessaire pour ciseler des textes à la fois clairs et précis.

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