Par Célia Baratier

Alors que les bateaux sortent de l’eau pour l’hiver, plusieurs espèces de baleines quittent elles aussi les eaux du Saint-Laurent. Venues ici pour manger et faire des réserves, elles rencontrent un fleuve plus hostile en hiver: arrivée des glaces, température peu adaptée pour un nouveau-né, et parfois la présence de prédateurs comme les épaulards. Où les baleines vont-elles passer l’hiver? Nous n’avons pas la réponse pour toutes les espèces, cependant plusieurs techniques nous permettront d’en apprendre davantage et de mieux comprendre les populations et les aires qui leur sont essentielles.

Rester à l’écoute : acoustique passive

Chaque espèce a sa signature acoustique, alors l’enregistrement du son sous l’eau permet de repérer leur présence, et ce, à longueur d’année. Ainsi, grâce à un hydrophone placé dans l’estuaire du Saint-Laurent au large des Escoumins, les chercheurs ont pu confirmer que les rorquals communs et les rorquals bleus sont absents de nos eaux ou les quittent dès que la formation de glace se fait. Cette technique est non invasive, mais englobe une large région. En effet, les sons voyagent très vite dans l’eau, alors l’hydrophone aux Escoumins peut enregistrer les infrasons entre Tadoussac et Pointe-des-Monts. Alors si on installe des hydrophones sur le chemin présumé des baleines, on pourrait suivre leur présence aux différents endroits.

Arrivée à destination : photo-identification

Chaque baleine est unique. Grâce à des clichés, à la reconnaissance par l’analyse de photos, plusieurs individus connus des chercheurs du Saint-Laurent ont aussi été reconnus dans les Caraïbes, dont le rorqual à bosse H141 surnommé DogEar, vu en République Dominicaine à l’hiver 2017. De plus, un rorqual bleu identifié en 1984 par la Station de recherche des iles Mingan dans le Saint-Laurent a été observé aux Açores en 2014 grâce aux photos de ses flancs. Alors qu’on pensait que les baleines bleues migraient vers le sud, cette découverte a ouvert de nouvelles voies.

La photo-identification permet d’observer les baleines dans des lieux précis, à un moment donné, généralement non loin des côtes. Mais cela ne renseigne pas sur le chemin qu’elles empruntent, ni nécessairement sur le temps qu’elles y passent.

Suivre les géants pas à pas : télémétrie satellite

Outil puissant, la télémétrie satellite permet de suivre les mouvements des grandes baleines. Des balises satellites installées sur des rorquals à bosses ont permis de suivre ces individus de la mer des Caraïbes jusqu’à leurs aires d’alimentation dans l’Atlantique Nord. Ces études démontrent l’existence de corridors migratoires étonnamment précis.

De plus, une étude a permis de suivre, pour la première fois, la migration complète du rorqual bleu B244 nommé Symphonie! Cette femelle a séjourné le long de la côte américaine et a également passé un bon moment le long d’une chaine de montagnes sous-marines de l’Atlantique, aussi fréquentée par d’autres espèces. Mais les données manquent pour mieux comprendre les mouvements de la population de rorqual bleu de l’Atlantique Nord. La pose des balises est ardue et la tenue est bien variable d’un individu à l’autre, et d’une espèce à l’autre.

Lire dans les fanons: analyse isotopique

Faits de kératine, les fanons de baleine détiennent des informations sur la vie de celle-ci. Ils poussent en continu et permettent donc de retourner jusqu’à 25 ans en arrière pour les baleines noires et boréales, ou de 4 à 5 ans pour les rorquals bleus et communs. En analysant les isotopes et en comparant leur proportion dans les fanons et dans les océans, on peut par la suite tenter de reconstruire le chemin parcouru.

Les baleines en questions - 22/10/2018

Collaboration Spéciale

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