Cette semaine, la plus étonnante des observations de mammifères marins est sans aucun doute la présence d’un ours polaire sur la péninsule gaspésienne. Car oui, au même titre que la loutre ou l’otarie, l’ours blanc est considéré comme un mammifère marin! Pourquoi ? Parce que son existence et son cycle de vie dépendent du milieu marin et de ses habitants, phoques et baleines, pour se nourrir.

Ainsi, samedi 30 avril, c’est bien un ursidé blanc comme neige qui a été aperçu par des habitants de Madeleine-Centre, suscitant surprise et émoi dans tout le Québec. Sa présence très inhabituelle, à des milliers de kilomètres au sud de son habitat naturel, reste inexpliquée. Mais il se pourrait bien que les dérèglements climatiques provoqués par l’être humain y soient pour quelque chose : diminution du couvert de glace, raréfaction des ressources alimentaires, recherche de nouveaux habitats…

Comme une baleine à Montréal,

L’aventure de ce malheureux réfugié climatique a en tous cas tourné court lorsque les agents de protection de la faune ont pris la décision d’abattre l’animal dès le dimanche matin. La décision a fait polémique; il est certain que tout le monde aurait préféré une fin plus heureuse. Mais le message que nous a envoyé cet ours polaire est clair : nos actions ont un impact jusque dans l’Arctique. Comme le souligne le vétérinaire Stéphane Lair dans cet article du Devoir : « C’est notre dépendance aux énergies fossiles qui menace les ours blancs. »

La présence inusitée d’un individu hors de son territoire rappelle pour beaucoup l’histoire de ce jeune rorqual à bosse qui, en 2020, avait défrayé la chronique en s’installant dans le port de Montréal. Deux ans après cet événement, la raison de la présence de cette baleine si haut dans le fleuve ainsi que les causes de son décès restent encore inexpliquées.

Outre l’ours polaire, les observations sont limitées en Gaspésie cette semaine. «D’habitude, en cette saison, j’ai déjà vu plusieurs grosses baleines passer. C’est assez calme, cette année», se plaint une riveraine de Cap-des-Rosiers, qui souligne néanmoins beaucoup d’action du côté des oiseaux. Eiders, fous de Bassan ou encore macreuses à bec jaune font le show. Une observatrice de la baie de Gaspé note tout de même « deux phoques communs dans l’anse aux Cousins. Ce sont sans doute des habitués qui ont leur roche préférée. »

Comme un rorqual à Charlevoix,

C’est visiblement la semaine des observations incongrues. Le 29 avril, une riveraine de Saint-Irénée filme un dos noir qui sort à intervalle régulier, proche du rivage. Il s’agirait visiblement d’un rorqual à bosse. Si la présence d’une grosse baleine si haut dans le fleuve est plutôt rare, elle n’est pas non plus hors du commun ou inquiétante. Avec le capelan qui roule actuellement dans la région, il est normal que cette source de poisson frais attire les convoitises.

Ce sont des dos blancs, et non des dos noirs qu’une autre habitante de Saint-Irénée a pu observer mardi après-midi, au niveau de Cap-aux-Oies : une poignée de bélugas en déplacement. Le matin même, devant le quai de la traverse de Rivière-du-Loup, une famille s’enthousiasmait devant le passage d’un groupe d’une dizaine de bélugas, incluant ce qui semblait être des juvéniles.

Dans le golfe du Saint-Laurent, la première baleine noire de l’Atlantique Nord de la saison a été repérée par un avion de surveillance, au nord des Îles-de-la-Madeleine, le 3 mai 2022. Cette observation a déclenché une fermeture des pêches de 15 jours dans des quadrilatères de pêche spécifiques dans le sud du golfe du Saint-Laurent, au nord de l’archipel.

Dans la baie de Sept-Îles, un petit rorqual et deux marsouins communs ont été observés, en compagnie de phoques et de nombreux oiseaux marins. Du côté de Franquelin, on aperçoit souvent un petit rorqual en déplacement. De grands souffles auraient enfin été aperçus au large de Rivière-Pentecôte et de Franquelin.

Comme des poissons dans l’eau !

Dans l’estuaire, les baleines font leur grand retour depuis quelques semaines, et les observations se multiplient. Depuis le cap de Bon-Désir, aux Bergeronnes, le photographe Renaud Pintiaux a revu un rorqual à bosse qu’il avait déjà photographié au même endroit le 11 avril dernier. « Possiblement un jeune mâle qui ne s’est pas lancé dans une longue migration cet hiver », commente-t-il. Dans le courant de la semaine, il a aussi dénombré plusieurs bélugas et petits rorquals.

Depuis les rives de la municipalité d’Essipit, un observateur égrène les mammifères marins rencontrés :  le 28 avril,  c’était un petit rorqual, un phoque commun et un phoque gris. Le lendemain, un petit rorqual et un béluga. Le comportement du petit rorqual interpelle l’observateur : « À presque chaque respiration, un des côtés de sa nageoire caudale sort de l’eau, on dirait que la queue est déformée ». Malheureusement, cet individu n’est pas présent dans le catalogue des petits rorquals tenu par le Mériscope. « Également, nous n’avons jamais observé ce comportement chez un petit rorqual », précise Dany Zbinden, fondateur du Mériscope.

Une ornithologue matinale, postée en haut des dunes de Tadoussac, profite du spectacle. « Lundi 2 mai, observation de 2 groupes de bélugas, d’au moins 4 rorquals à bosses dont un en breach continu durant une trentaine de sauts, et d’un rorqual commun. Ils sont vraiment loin, au milieu du fleuve. Mardi matin, c’est un rorqual commun et un petit rorqual. Enfin, mercredi, j’ai été accueillie par des breach de rorquals à bosse non loin du phare du haut-fond Prince », note-elle. Les baleines arrivent dans leur garde-manger, et elles se sentent comme des poissons dans l’eau. Même si, on s’entend, ce sont des mammifères, et non des poissons!

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Observations de la semaine - 5/5/2022

Laure Marandet

Laure Marandet est rédactrice pour le GREMM depuis l'hiver 2020. Persuadée que la conservation des espèces passe par une meilleure connaissance du grand public, elle pratique avec passion la vulgarisation scientifique depuis plus de 15 ans. Ses armes: une double formation de biologiste et de journaliste, une insatiable curiosité, un amour d'enfant pour le monde animal, et la patience nécessaire pour ciseler des textes à la fois clairs et précis.

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