Il y a quelques semaines, un botaniste passionné de la nature et de la faune profitait d’une journée d’hiver pour faire le tri dans sa boite de photos souvenirs. Voilà sur quoi il est tombé :
Ce sont les photos d’un rorqual commun, deuxième plus grand animal de la terre, qui avait été signalé mort à la dérive au large de Montmagny, en octobre 1988. Il s’agissait non seulement d’un évènement rarissime, mais aussi le début d’une épopée sans pareil pour le GREMM, nommé autrefois le Groupe de recherche sur le milieu marin.
Peu de moyens, beaucoup d’ambition
Le Centre d’interprétation des mammifères marins (CIMM) venait d’ouvrir ses portes et les créateurs de ce musée étaient ambitieux! Ils ont décidé de remorquer sur les berges, avec une chaloupe, la baleine de 12 mètres, de la dépecer et de récupérer le squelette pour l’exposition qui était jadis dans un bâtiment modeste, aux abords de cale sèche de Tadoussac comme l’est le CIMM actuel.
Même aujourd’hui, avec près de 30 ans d’expérience, le dépeçage et la récupération d’un squelette de baleine demeurent une intervention longue et complexe qui nécessite une expertise particulière: demande d’autorisations et de permis, planification des étapes et organisation des troupes, acquisition du matériel et des outils appropriés (comportant des risques de blessures) et règles de sécurité et d’hygiène à respecter. À titre d’exemple, la récupération de la baleine noire Piper à l’été 2015 a nécessité l’implication d’une vingtaine de personnes, dont des biologistes et vétérinaires, qui ont travaillé pendant plus de quatre jours à récupérer la carcasse et dégager les os. Une intervention colossale!
À l’époque, ils n’étaient que quatre à travailler sur ce mastodonte, tous inexpérimentés, mais motivés par la pièce unique de musée qu’allait devenir cette baleine. Au bout de deux jours de travail acharné (et improvisé!), le squelette était dégagé. Puis, après quelques mois de nettoyage des os, d’efforts et de casse-têtes pour l’assemblage et l’installation, la baleine était finalement fine prête à accueillir les visiteurs, surplombant les ilots de l’exposition.
Voyez le reportage au bulletin de nouvelles de Radio-Canada:
Apprendre à la dure
La fin de l’histoire de ce squelette n’est pas à l’eau de rose. L’équipe du GREMM, pressée de voir l’œuvre accrochée et voulant la rendre esthétique, avait verni les os peu de temps après avoir fini le nettoyage. Comme le squelette des baleines renferme une quantité importante de gras stocké dans les os poreux, la graisse a continué de suinter sous le vernis, ce qui a fait pourrir le squelette, qui s’est rapidement détérioré. La pièce a donc dû être retirée de l’exposition.
Depuis, les spécialistes de l’équipe du GREMM ont développé une technique efficace pour nettoyer et blanchir les os. La collection du CIMM compte aujourd’hui une douzaine de squelettes, du marsouin commun de 1,5 m au cachalot de 13 m. L’ambition de ses fondateurs ne s’est pas ternie avec les années: on aspire à y ajouter un autre rorqual commun, récupéré en 2008 au large des Bergeronnes, et donner une deuxième vie à Piper, la baleine noire de Percé.
En ce qui concerne le rorqual commun de Montmagny, une nageoire pectorale et un os de la mâchoire sont encore présents dans l’exposition actuelle, ainsi qu’une reproduction de cette mâchoire, créée pour le décor du film Agakuk, réalisé en 1992.