Une grande partie de la vie des animaux plongeurs se passe sous l’eau, à l’abri des regards. Peut-on, en observant le comportement d’un groupe de bélugas à la surface de l’eau, deviner ce qui se passe sous la surface? Des chercheurs qui étudient les bélugas de l’estuaire du Saint-Laurent ont tenté de répondre à cette question et viennent de publier leurs découvertes dans la revue NRC Research Press.

Comprendre et classifier les comportements des animaux plongeurs est complexifié par le fait que ceux-ci ne montrent qu’une petite fraction de leur répertoire comportemental à la surface de l’eau. L’invention de nouvelles balises pouvant être fixées temporairement sur un animal — telles des balises enregistrant la profondeur et l’orientation des plongées ou même filmant les animaux lors de leurs excursions sous l’eau — a fait progresser notre compréhension des comportements sous-marins. Cependant, peu d’études combinent les observations faites à la surface et celles faites sous l’eau. Des chercheurs de l’Université McGill, de l’Institut Maurice-Lamontagne (Pêches et Océans Canada) et du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM) ont décidé de combiner ces informations complémentaires afin de mieux comprendre et de classifier les comportements des bélugas du Saint-Laurent.

« Les données collectées à l’aide de balises sont généralement plus précises, mais elles sont également plus difficiles et plus couteuses à obtenir et permettent de suivre seulement un individu à la fois, contrairement aux suivis de troupeaux à la surface de l’eau », explique Sébastien Lemieux Lefebvre, candidat au doctorat à l’Université McGill et auteur principal de l’étude.

Les chercheurs ont étudié le comportement estival des bélugas à la surface de l’eau, à bord d’un petit bateau de recherche, ainsi que dans l’eau, à l’aide d’enregistreurs de temps, de profondeur et de vitesse, attachés temporairement aux animaux à l’aide de ventouses. Ils ont combiné les données collectées lors de 1413 suivis de troupeaux et 27 déploiements d’enregistreurs.

Quelques faits impressionnants : certains bélugas ont atteint la profondeur maximale de l’estuaire du Saint-Laurent, soit 335 m, et la plus longue plongée (sans respiration) enregistrée a duré 19,2 minutes!

Les chercheurs ont observé que des déplacements erratiques à la surface de l’eau sont souvent associés à des plongées relativement peu profondes, mais près du fond marin. « Les bélugas font habituellement ce type de plongée dans les eaux peu profondes du fleuve, potentiellement pour trouver des proies près du fond marin ou lors de périodes de repos, de socialisation et de soin des jeunes », explique Sébastien Lemieux Lefebvre. « Les troupeaux où sont présent des femelles avec leurs veaux adoptent d’ailleurs plus régulièrement ces comportements, possiblement pour faciliter l’accès aux proies peu profondes, minimiser le temps que les veaux passent seuls à la surface lorsque les femelles s’alimentent ou encore favoriser la socialisation entre les jeunes », ajoute-t-il.

Les mouvements directionnels en surface sont, quant à eux, plus fréquemment associés à des plongées longues et profondes qui atteignent rarement le fond marin. Ces plongées sont vraisemblablement utilisées durant l’approvisionnement pélagique, l’exploration du milieu et les déplacements sur de longues distances.

« Bien que nous ayons développé une assez bonne cartographie de la distribution estivale des bélugas, nos connaissances fines sur l’utilisation des habitats, à savoir précisément ce que les bélugas y font et quelles ressources ils y exploitent sont encore limitées. L’étude de Sébastien est un pas important dans cette direction », souligne Robert Michaud, directeur scientifique du GREMM et un des auteurs de l’étude.

Actualité - 16/5/2018

Béatrice Riché

Après plusieurs années à l’étranger, à travailler sur la conservation des ressources naturelles, les espèces en péril et les changements climatiques, Béatrice Riché est de retour sur les rives du Saint-Laurent, qu’elle arpente tous les jours. Rédactrice pour le GREMM de 2016 à 2018, elle écrit des histoires de baleines, inspirée par tout ce qui se passe ici et ailleurs.

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