Par Laura Zeppetelli
Cet automne, j’ai eu l’opportunité de quitter mon bureau au centre-ville de Montréal pour embarquer à bord du Bleuvet avec l’équipe du Groupe de recherche et d’éducation des mammifères marins (GREMM).
Ces cinq semaines intensives sur les flots ont été marquées par des moments inoubliables auprès des bélugas. J’ai eu la chance de les voir gambader en groupe dans le sillon du bateau, en plus d’échanger avec certains d’entre eux quelques regards curieux. Je me sens aussi privilégiée d’avoir pu admirer de mes propres yeux l’unique narval du Saint-Laurent, que j’ai affectueusement surnommé « Pogo », nageant avec son groupe de bélugas adoptif.
Dans le cadre de mon projet de maîtrise en biologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM), nous devions procéder au prélèvement de 50 biopsies sur des bélugas avant la fin de la saison de terrain. Ma recherche vise à étudier la variation des lipides et des contaminants en fonction de l’alimentation des bélugas afin de mieux comprendre leur métabolisme.
La collecte de biopsies n’est pas un travail de tout repos! En premier lieu, l’équipage doit repérer un troupeau de baleines au large ou dans le fjord du Saguenay. Une fois qu’un gros individu est ciblé, notre capitaine Michel Moisan prépare sa carabine à biopsie. Ce fusil modifié contient une fléchette et un barbillon qui s’empareront d’une carotte de quelques millimètres de peau et de graisse une fois le flanc de l’animal frappé. De plus, si la météo est clémente, nous essayons de filmer cet individu à l’aide d’un drone. La capture d’images aériennes en conjonction avec la photo-identification des bélugas permet, entre autres, la reconnaissance des individus biopsiés. Les clichés permettent aussi de déterminer les mensurations des bélugas afin de trouver un indice corporel utile à de multiples analyses.
L’équipe récupère la fléchette comme on ramène un poisson au bateau à la pêche à la ligne. Mon rôle consiste ensuite à en extraire la biopsie. Avec un scalpel et une pince bien stérilisés, je coupe ensuite le morceau de baleine en moitiés et je les prépare pour les différentes analyses à venir. Le gras ainsi qu’une partie de la peau sont tout de suite immergés dans de l’azote liquide, une solution chimique à −195,79°C. Ils serviront aux analyses lipidiques pour mon projet. Toutes ces manipulations ont lieu rapidement et je suis constamment secouée par les vagues. Mais avec un peu de pratique, tout se déroule parfaitement bien.
Je tiens finalement à remercier toute l’équipe du GREMM, mais surtout mon équipage, qui a permis à cette campagne de terrain d’être aussi enrichissante qu’efficace. La prochaine étape de mon projet est d’aller à l’Université de Victoria en Colombie-Britannique pour participer aux analyses des échantillons de graisses de bélugas. Étant donné la situation précaire de cette espèce dans le Saint-Laurent, je souhaite que les résultats de ma recherche contribuent aux efforts de conservation.