Dans un contexte où les préoccupations environnementales sont au centre des discussions, il semble difficile de naviguer à travers les différentes émotions qui nous habitent. Quelles sont nos ressources pour vivre le deuil écologique et garder espoir? L’artiste Maryse Goudreau, pour faire face à la situation du béluga du Saint-Laurent, monte depuis 2012 une œuvre-archive dont l’espèce en voie de disparition est le cœur.
Entre deuil et espoir
Maryse Goudreau affectionne les baleines depuis son enfance. Depuis ce temps, elle prend aussi conscience que les cétacés expérimentent toutes sortes d’enjeux qui menacent leur survie. En temps normal, le béluga du Saint-Laurent aurait dû voir sa population doubler dans les 30 dernières années. Pourtant, elle a plutôt stagné. Plusieurs autres espèces sont également en voie de disparition, comme les rorquals bleus, les rorquals communs et les baleines noires. Les changements climatiques ne risquent pas de ralentir ce processus. Heureusement, l’artiste est aussi témoin de nombreux bons coups dans le domaine de la conservation, parce qu’il y en a! Bon nombre d’êtres humains se préoccupent du bien-être des baleines et travaillent chaque jour pour améliorer leur situation.
Les différentes œuvres de l’artiste abordent le deuil écologique et l’espoir. L’écoanxiété, l’écodeuil et la solastalgie sont des sentiments rationnels reliés à la perte de l’environnement. Ces termes, des néologismes associés à la crise climatique, représentent plus spécifiquement l’ensemble des souffrances physiques et psychiques ressenties devant les conséquences négatives des changements climatiques et environnementaux. Ces concepts seraient directement reliés à l’identité et à nos liens avec l’environnement. Selon la théorie du place attachment, nos expériences seraient ancrées dans notre environnement, nous développons donc un attachement envers ce dernier. En constatant l’état dégradé d’un lieu, il est possible de ressentir de l’anxiété ou une forme de deuil, justement puisqu’il fait partie de nos vies, de notre identité. Alors que le domaine de la conservation pose un regard plutôt scientifique sur les espèces en voie de disparition, le domaine des arts pourrait quant à lui constituer un médium intéressant pour faire entrer les émotions dans la conversation.
Les baleines et les arts
Dans son œuvre-archive, Maryse Goudreau explore différents médiums artistiques comme la photo, la vidéo, la sculpture, les objets, les ambiances. Tout ça dans l’espoir d’amener les gens à s’éveiller quant à l’importance du vivant par la mobilisation de leurs sens et leurs émotions. Selon elle, semer l’émerveillement, l’empathie et même la tristesse chez le public est une voie intéressante pour la sensibilisation à l’environnement. Son œuvre permettrait de tenter de cerner les différents sentiments qui nous habitent dans la lente disparition du béluga.
Sa dernière exposition, dans l’œil du béluga, amène les gens à changer de perspective et à voir le monde tel qu’il serait perçu par un béluga. L’œuvre immersive relate aussi un événement qui l’a particulièrement marquée lors d’un de ses mandats comme bénévole au RQUMM (Réseau québécois d’urgences mammifères marins) : le sauvetage de Népi, un béluga qui s’était coincé dans la rivière Népisiguit en 2017. Après plusieurs jours à veiller sur lui jusqu’à son déplacement dans le fleuve Saint-Laurent, Maryse a mieux compris Népi, et elle tente aujourd’hui de transmettre cette connexion.
Les émotions font-elles partie de la solution?
Alors, comment garder espoir et vivre avec ces sentiments difficiles? Tisser des liens avec l’environnement et tenter d’agir pour contrer sa perte seraient des voies à explorer. La solution pourrait alors résider dans les arts, comme l’a fait Maryse avec les bélugas.
Ici, l’art aurait plusieurs fonctions. L’environnement des bélugas est un lieu auquel nous n’avons pas accès. L’art devient alors un espace où il est possible de se le représenter, voire même d’interagir avec lui, et cela permet de créer des liens. On entre alors en relation avec l’animal, on comprend mieux sa valeur, son importance, ses difficultés. L’exposition ne présente alors pas un discours sur le béluga, mais bien une expérience construite avec l’animal. On le laisse, en quelque sorte, parler pour lui-même…