Au cours des derniers jours, la saison des croisières d’observation des baleines s’est terminée, tant sur la Côte-Nord qu’en Gaspésie. Ce n’est pas par manque de cétacés ou de phoques à admirer, pourtant! Si quelques espèces semblent avoir déjà quitté le Saint-Laurent, comme le marsouin commun, d’autres s’alimentent encore activement.

Au large de Forillon, un croisiériste profite de la dernière sortie de la saison. Il s’exclame devant les claquements de pectorales d’un rorqual à bosse: «On aurait dit qu’il nous disait au revoir!» Seuls les rorquals à bosse et les baleines noires de l’Atlantique Nord sont connus pour effectuer ce comportement dans le Saint-Laurent. La large taille de leurs nageoires pectorales pourrait expliquer pourquoi ils ont développé ce comportement. Mais pourquoi claquer ses nageoires sur l’eau? La fonction d’un comportement varie selon son contexte. Dans ce cas-ci, peut-être qu’il appelait des congénères ou qu’il jouait.

Les pieds au sec, on observe!

Durant l’été 2020, Renaud Pintiaux est allé en croisière presque tous les jours pour photographier les baleines. Plus de bateaux sur l’eau? Le voilà maintenant posté sur le cap de Bon-Désir, aux Bergeronnes! Quand on est passionné, on l’est jusqu’au bout! Aux jumelles, il repère un rorqual à bosses et des rorquals communs. Près de lui, un petit rorqual s’approche des rochers. Plus loin passent quelques bélugas. «C’est vraiment une belle fin de saison. En fin de semaine, je revoyais la femelle rorqual commun Zipper, qu’on avait vue plus tôt cet été, mais qui avait quitté le secteur. J’ai aussi vu Bp973 que ni moi ni l’équipe du GREMM n’avions encore photographié cet été. Chez les rorquals à bosse, j’ai vu H918 et H943, qu’on surnomme “Galaxie”, et un individu qu’on voit depuis quelques semaines, mais qui n’est pas connu des chercheurs. Peut-être que celui que je vois au loin est un de ces trois-là.»

Posté du haut des dunes de Tadoussac, un recenseur d’oiseaux se réjouit du retour des grandes baleines dans son secteur. «Les dernières semaines, elles étaient trop au large des Bergeronnes pour que je puisse les voir, mais le 13 octobre, j’ai pu voir deux rorquals communs près de l’ile Verte.» Il est possible que plus de baleines soient passées au large des dunes, car son attention porte d’abord et avant tout sur les oiseaux, particulièrement nombreux cet automne. «On bat des records de passages de rapaces ces derniers jours. J’ai aussi vu un très rare tohi à flancs roux, un magnifique oiseau.»

Du côté de Charlevoix, à l’Anse-au-Sac, Saint-Irénée, une résidente compare les bélugas aux vesses-de-loup, ces gros champignons blancs, ronds et lisses, quand elle les voient passer dans la lumière dorée d’automne. Les bélugas nagent par petits groupes de six ou sept individus. Lorsque le Saint-Laurent n’est pas pris dans les glaces, les bélugas peuvent être trouvés de L’Isle-aux-Coudres jusqu’à Forestville. L’hiver, ils préfèrent les eaux libres de glaces, souvent celles du golfe.

Après un été particulièrement tranquille en termes d’observations dans la baie de Gaspé, une résidente de Cap-aux-Os se réjouit d’enfin voir des souffles et des dos à partir de la fenêtre de sa cuisine. Au moins deux rorquals à bosse et deux rorquals communs sont venus à proximité de la berge cette semaine. La nourriture est-elle plus présente dans la baie ces jours-ci? Est-ce que les rorquals profitent du calme de la baie pour se reposer un peu avant d’entreprendre la grande migration?

Grande visite à Sept-Îles

«C’est une saison d’automne très stimulante», se réjouit Jacques Gélineau. Si la récolte d’observations durant l’été avait été maigre, la nouvelle saison semble rendre le secteur propice aux plus gros animaux du monde. Le 12 octobre, il voit une vingtaine de rorquals bleus! «J’ai photographié des individus qu’on ne trouve pas au catalogue tout comme des individus bien connus dont Pulsar, Bianco et Torishinto. Par contre, pour Torishinto, je n’ai pas aimé voir des entailles profondes au pédoncule et des marques de frottement de cordages. Pauvre animal!»

Le secteur de Sept-Îles semble aussi propice pour les rorquals communs, que Jacques compte au nombre de 10. Un rorqual à bosse nage aussi dans la région.

La surveillance aérienne pour les baleines noires de l’Atlantique Nord se poursuit, afin d’enclencher des mesures de réduction de vitesse ou d’arrêt de pêche si une est repérée. Entre Havre-Saint-Pierre et l’ile d’Anticosti, dans le détroit de Jacques-Cartier, le 13 octobre, ce ne sont pas des baleines noires que les observateurs aériens repèrent, mais bien neuf rorquals communs, un rorqual à bosse et un rorqual bleu. Ce détroit très profond contient des eaux froides et riches en matière organique décomposée. Une remontée du fond marin naturel fait remonter la couche profonde vers la surface et se mélange alors avec l’eau de surface, l’enrichit, la refroidit et l’oxygène. Ainsi, le détroit de Jacques-Cartier réunit des conditions parfaites pour les proies des baleines, et donc pour elles aussi! Malheureusement, les baleines tendent à passer trop au large pour les riverains de ces régions, qui ne voient souvent que des souffles très très loin.

Observations de la semaine - 15/10/2020

Marie-Ève Muller

Marie-Ève Muller s’occupe des communications du GREMM depuis 2017 et est porte-parole du Réseau québécois d'urgences pour les mammifères marins (RQUMM). Comme rédactrice en chef de Baleines en direct, elle dévore les recherches et s’abreuve aux récits des scientifiques, des observateurs et observatrices. Issue du milieu de la littérature et du journalisme, Marie-Ève cherche à mettre en mots et en images la fragile réalité des cétacés.

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