L’entreprise Corridor Ressources a déposé son projet d’exploration dans la partie terre-neuvienne du gisement d’hydrocarbures, suscitant une vive protestation chez les citoyens des îles de la Madeleine et des groupes environnementaux. Québec, voulant rapidement exploiter sa partie du gisement, pourrait lever le moratoire dans le golfe du Saint-Laurent, sans attendre les résultats de l’évaluation environnementale.

Les forages sont prévus pour 2012 et au plus tard d’ici 2014, le projet ayant été officiellement déposé auprès de l’Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers. Vivement inquiète, la Coalition Saint-Laurent, dans un communiqué du 23 février, « considère que les conditions ne sont pas réunies pour assurer la sécurité des activités dans le golfe ». Elle demande la suspension immédiate du projet, une gestion intégrée et un moratoire sur l’ensemble du golfe du Saint-Laurent.

Avant que l’Office approuve le projet, il se passera au moins une année. Il a mis en place une consultation publique sur l’orientation de l’étude d’impact environnemental produite par Corridor Ressources. Sur le site Internet de l’Office, le public a jusqu’au 28 mars 2011 pour réagir et commenter.

Le Québec veut sa part de redevances

La Coalition Saint-Laurent demande que l’évaluation environnementale conduite par Corridor Ressources soit examinée par une commission indépendante avec la consultation de l’ensemble des populations des cinq provinces du golfe. Elle évoque le rapport de la Commission Wells mettant en relief des failles majeures quant à la gouvernance de l’Office et sa gestion des activités pétrolières en milieu marin.

Avec le gisement à cheval sur les deux provinces, le projet de forage terre-neuvien se trouve à six kilomètres de la frontière du Québec. Le gouvernement québécois négocie avec le gouvernement fédéral du Canada une entente administrative similaire à celle conclue avec la province de Terre-Neuve-et-Labrador pour se diriger rapidement vers l’exploitation de sa partie d’Old Harry et bénéficier de redevances. Pourtant, il a mis en place une évaluation environnementale stratégique (EES 2) dans la partie québécoise du golfe qui n’est pas encore terminée, ainsi qu’un moratoire sur les activités pétrolières depuis 2009.

« Avant même d’avoir les recommandations, le gouvernement nous dit qu’il va lever le moratoire. C’est inacceptable », déclare Danielle Giroux, la présidente l’Attention Fragîles au sein de la Coalition. Le maire Joël Arseneau des Îles de la Madeleine se dit également préoccupé et souligne la contradiction du discours officiel.

Levée du moratoire possible?

Émilien Pelletier, professeur en océanographie chimique à l’ISMER-UQAR, explique sur les ondes radio de Radio-Canada que « les groupes environnementalistes sont inquiets et avec raison. Le gouvernement québécois actuel pourrait lever immédiatement le moratoire s’il le voulait ». Il rappelle que la première EES concernait l’estuaire du Saint-Laurent et qu’en septembre 2010, Québec y a interdit toute activité pétrolière, prenant en compte les risques de déversement pétrolier dans une mer quasiment fermée.

Même inquiétude du côté des biologistes, dont Robert Michaud du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM): « Toute la base de la chaîne alimentaire dont dépendent tous les grands mammifères marins qui remontent l’estuaire est en quelque sorte « produite » dans le golfe et amenée dans l’estuaire. Si on affecte la productivité du golfe, c’est donc la source de l’alimentation de l’estuaire qui est affectée ». Des espèces menacées, comme le rorqual bleu et le béluga, pourraient voir leur habitat perturbé par les activités pétrolières, un habitat que la Loi sur les espèces en péril (LEP) doit protéger.[Le Devoir, Le Soleil, Coalition Saint-Laurent, Radio-Canada]

Pour en savoir plus:

Sur le site de Radio-Canada : La Coalition Saint-Laurent dénonce l’empressement de Québec

Actualité - 3/3/2011

Christine Gilliet

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