Si les collisions entre navires à moteur et baleines sont plus fréquentes et plus préoccupantes, les accidents impliquant des voiliers ne sont pas aussi rares que l´on pourrait croire. Des chercheurs ont récolté des données pour documenter cette problématique qui prend de l´ampleur depuis le début des années 2000 et proposent des mesures pour réduire les risques.

L´étude a été menée par Fabien Ritter et son équipe du Mammal Encounters Education Research (MEER), qui sont basés à Berlin et se consacrent à l´étude et à la conservation des cétacés dans l´archipel des Canaries. Elle a été présentée à la Commission baleinière internationale (CBI) en 2009 et publiée en 2012 dans le Journal of Cetacean Research and Management sur le site Internet de la CBI (Collisions of sailing vessels with cetaceans worldwide : First insights into a seemingly growing problem).

Même si tous les cas de collisions avec les navires ne sont pas rapportés, il est admis dans la communauté scientifique que cette problématique est sous-estimée et en constante augmentation depuis quelques décennies, ceci à l´échelle mondiale et en raison de l´augmentation du trafic maritime. Avant la parution de cette première étude portant sur les collisions avec des voiliers, les rapports de collisions concernaient essentiellement les navires commerciaux et de transport de passagers dont certains naviguent à très grande vitesse, des paquebots de croisières et des bateaux d ‘observation de baleines. Navires et baleines croisent leurs trajectoires, car ils partagent les mêmes plans d´eau et routes de navigation. Dans certaines régions du monde, cette menace pèse lourd sur des populations en péril et des mesures de prévention des collisions ont été mises en place.

Une étude menée grâce à Internet, les médias et les réseaux

Selon l´étude de Fabien Ritter, entre 1966 et 2010, 111 collisions entre cétacés et bateaux à voiles et 57 cas de collisions évitées de justesse ont été répertoriés dans le monde, révélant une forte augmentation entre 2002 et 2010. Les données ont été récoltées par les chercheurs avec Internet, grâce à des alertes sur des mots clés telles que
« collision baleine » qui ont permis de retracer les cas de collisions, ainsi qu´en contactant des sites Internet et des magazines spécialisés relatant les activités de la navigation à voile. Un questionnaire d´une vingtaine de questions précises a été également élaboré et mis en ligne à travers les réseaux de la navigation à voile, afin que les chefs de bord puissent relater précisément ces événements.

Les voiliers de course sont les plus impliqués

La plupart de ces collisions ont eu lieu lors des courses océaniques et de régates en Atlantique. Si le type de voiliers et les circonstances sont variés, ce sont les monocoques (naviguant entre 5 et 10 nœuds) et les grands cétacés qui sont le plus impliqués. La grande vitesse des multicoques (supérieure à 20 nœuds) augmentent le risque de collision, mais ces voiliers sont les moins impliqués, car ils constituent une toute partie des voiliers naviguant à travers le monde.

Dans les cas où l´espèce a été identifiée, 54 concernent des rorquals à bosse et des cachalots. Ces collisions ont causé des blessures aux cétacés que les auteurs de l´étude ont classées comme « non visibles » à « mort après collision ». Du côté des bateaux, des membres d´équipage ont été blessés, des bateaux endommagés et sept ont fait naufrage.

Pour minimiser les risques

En conclusion, l´étude propose des mesures et actions à instaurer pour réduire le risque de collisions entre les voiliers et les cétacés. Le moyen le plus évident serait d´exercer une veille visuelle très attentive pendant le jour. Les capitaines devraient aussi, sur une base volontaire, réduire la vitesse dans les habitats importants des cétacés et éviter autant que possible les régions où les mammifères marins sont en grand nombre.

Étant donné que ces limitations de vitesse sont difficilement envisageables pour les coureurs océaniques et les régatiers, d´autres mesures sont proposées : les sites saisonniers ou migratoires, ainsi que les aires marines protégées, bien connus pour être fréquentés par des populations de baleines comme les rorquals à bosse, les baleines noires et les cachalots devraient être évités par les courses et les régates. Un relevé acoustique sous-marin ou aérien pourrait être conduit juste avant un rassemblement ou une course à la voile, ce qui permettrait de modifier les routes et les passages aux bouées des voiliers, comme ce fut le cas dans la course Volvo Ocean Race en avril 2009.

Au moment où ce présent article est mis en ligne, les plus rapides voiliers de la Transat Québec–Saint-Malo sont déjà arrivés à destination. Sur le site Internet de la course, on peut lire dans le journal de bord des équipages leurs nombreuses rencontres avec des cétacés, notamment dans le Saint-Laurent, sans qu´aucune collision n´ait été rapportée. On peut y lire le ravissement des compétiteurs quand ils croisent des grands et petits cétacés, notamment le rorqual bleu, une espèce en voie de disparition, mais aussi leurs efforts pour modifier leur route et les éviter. [MEER, CBI, Transat Québec–Saint-Malo]

En savior plus

Sur le site de MEER (en anglais seulement) : Collisions – Sailing vessels

Actualité - 2/8/2012

Christine Gilliet

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