Alors que le projet de port pétrolier a été abandonné il y a six mois parce que la population des bélugas a été évaluée en voie de disparition et parce qu’il représentait une menace pour elle, l’annonce de la construction d’un port industriel à Cacouna relance le débat des enjeux environnementaux. Dans le cadre de la Stratégie maritime que le gouvernement québécois a récemment dévoilée, c’est toute une série de développements qui vont sortir sur le Saint-Laurent et traverser l’habitat du béluga et des autres mammifères marins.

Dans le cadre de sa Stratégie maritime, le ministre délégué aux Transports, Jean D’Amour, a annoncé le 5 juillet dernier le projet du développement d’un port industriel à Cacouna. Ce projet représente un potentiel de développement économique pour la municipalité de Cacouna et pour la région du Bas-Saint-Laurent. Il est envisagé d’y associer la construction d’une voie ferrée dans l’optique d’une expansion du secteur industriel et du nombre d’entreprises.

Augmentation de navires dans la pouponnière

Ce projet de port industriel entraînera l’accroissement du trafic maritime dans la région de Cacouna. Or, c’est la région où la population de bélugas a sa pouponnière, c’est-à-dire où les femelles bélugas mettent bas et prennent soin des nouveau-nés. Le directeur général de Nature Québec, Christian Simard, a vivement réagi à cette annonce: «Après le vaste débat qui a abouti à l’abandon du projet de terminal pétrolier que voulait construire la compagnie TransCanada en plein cœur de la pouponnière de bélugas, une espèce en voie de disparition, on ne peut comprendre l’aveuglement du gouvernement qui ne semble pas incorporer cette donnée essentielle dans ses projets de développement maritime.» Il réclame de protéger une fois pour toutes son habitat en agrandissant le parc marin du Saguenay— Saint-Laurent qui, rappelons-le, a été créé en 1998 pour sa protection.

Cette pouponnière fait partie de l’habitat essentiel du béluga du Saint-Laurent, une population estimée à 800 individus, évaluée comme espèce «en voie de disparition» depuis décembre 2014 par le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada. Son statut a en effet gravi un échelon dans l’évaluation de sa situation, depuis que les scientifiques ont sonné le signal d’alarme en 2013 en publiant un avis scientifique. Ils ont établi qu’elle subit un déclin depuis le début des années 2000 et que le nombre des mortalités des nouveau-nés est inquiétant, surtout pendant l’année 2012 qui en a compté une douzaine.

C’est d’ailleurs l’annonce de ce statut qui a mis un coup d’arrêt au projet de la compagnie TransCanada d’installer un port pétrolier destiné à recevoir le pétrole en provenance de l’ouest du Canada par son projet de construction d’oléoduc Énergie Est et le desservir par voie maritime.

Une stratégie de développement à l’échelle d’un vaste écosystème

Le projet du port de Cacouna suscite de vives inquiétudes chez les défenseurs de l’environnement et les scientifiques œuvrant à la conservation du béluga. Le bruit des navires et le risque de collisions augmenteraient avec le trafic maritime. Ils seraient une source de dérangement dans la pouponnière, pouvant créer des situations de stress et de séparations temporaires ou prolongées des bébés bélugas avec leur mère.

« Cette nouvelle est inquiétante, car le gouvernement commence à faire les annonces une à une, déclare Robert Michaud, directeur scientifique et cofondateur du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM) au Québec, et spécialiste du béluga du Saint-Laurent. Quand on parle du Saint-Laurent, on parle d’un système. Chaque activité aura un impact sur les bélugas. Demain, on va nous reparler d’un terminal de gaz liquéfié et d’un terminal pour sortir les minerais de phosphate, et d’un projet lié au Plan Nord.

Le gouvernement québécois prévoit d’investir 300 millions de dollars pour créer une dizaine de zones industrielles et portuaires sur les rives du Saint-Laurent. M. Michaud poursuit: «Si on veut planifier une stratégie maritime intégrée qui se targue d’être de développement durable, il faut agir en amont, et non pas de manière réactive comme le gouvernement nous force à le faire. On sait maintenant très bien que Cacouna est un endroit délicat, nous pourrions mettre nos connaissances scientifiques à la disposition de ces projets. L’ensemble de la stratégie maritime devrait faire l’objet d’un examen global, notamment du point de vue de l’augmentation du trafic à l’égard des mammifères marins. Tous ces projets auront des impacts cumulés, des impacts plus importants que d’autres, on aura des priorités et des choix à faire.»

Sources

Sur le site d’Ici Radio-Canada:

Le gouvernement Couillard veut développer le port de Cacouna

Sur le site du Devoir:

Québec veut développer le port de Cacouna

Sur le site de Nature Québec:

Projet de développement du port de Cacouna. Québec n’a pas appris les leçons de l’abandon du projet de TransCanada

Sur le site d’infodimanche:

Stratégie maritime: inquiétude pour les bélugas de Cacouna

Pour en savoir plus

Sur le site du Devoir:

Zone industrialo-portuaire à Cacouna – L’annonce de Québec suscite de «vives inquiétudes»

Sur le site du Fil d’information du gouvernement du Québec:

Développement industriel du port de Cacouna par Québec – «Ce gouvernement ne prend pas de vacances», Manon Massé

Sur le site de Baleines en direct:

Les bélugas du Saint-Laurent sont en déclin (dossier)

L’habitat essentiel du béluga du Saint-Laurent est à protéger d’urgence

Projet de port pétrolier à Cacouna: un danger pour les bélugas (dossier)

Actualité - 11/7/2015

Christine Gilliet

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