La première carcasse de béluga de l’année a été signalée à Urgences Mammifères Marins. Un résident de l’Anse-à-Valleau, en Gaspésie, a téléphoné au 1-877-7baleine le 29 mars en fin de journée. En décembre dernier, l’observateur avait aussi trouvé une carcasse de petit rorqual.
« Ventre crème non strié, bec pointu, longueur de 3 à 4 m» : voici les éléments de description que le Centre d’appels d’Urgences Mammifères Marins avait en main pour déterminer l’espèce de cétacé en cause. Les photos reçues ont confirmé qu’il s’agissait d’un béluga, un mâle adulte, une espèce rarement observée dans les eaux de la Gaspésie.
Bien souvent, les bélugas morts trouvés sur les berges au printemps sont en état de décomposition avancée, ce qui laisse croire qu’ils sont morts tard à l’automne ou à l’hiver. Qu’ils aient passé des mois dans la neige et la glace les conserve entiers et ralentit le processus de décomposition. Celui de l’Anse-à-Valleau est donc entier et blanc, mais l’absence des yeux et l’aspect de sa peau, dure et rougie par endroit, laisse croire qu’il n’est pas un candidat pour une nécropsie complète, puisque ses organes sont probablement putréfiés.
Une carcasse pour la science
Depuis 1982, le ministère Pêches et Océans Canada, Parcs Canada et d’autres organismes tels que l’Institut national d’écotoxicologie du Saint-Laurent (INESL), les Industries Filmar, la Faculté de médecine vétérinaire (FMV) de l’Université de Montréal et le Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM) participent au programme permettant le suivi des mortalités au sein de la population de béluga de l’estuaire du Saint-Laurent. L’objectif: déterminer la cause de décès des animaux échoués au moyen de méthodes pathologiques et de diagnostics vétérinaires.
Ce programme a été initié par le vétérinaire Daniel Martineau de la FMV. Cette année-là, alors qu’il assistait à une conférence sur les bélugas à l’Université du Québec à Rimouski, un béluga mort s’est échoué sur la rive de Pointe-au-Père. Accompagné de David Sergeant et de Pierre Béland, Daniel Martineau voyait pour la première fois un béluga en son entier. L’animal ne portait aucune blessure, si ce n’est des égratignures causées par le gravier et les oiseaux marins. De quoi donc était mort ce béluga? Pour M. Martineau, il n’y avait qu’une façon de le découvrir: il fallait l’examiner en profondeur. Cet évènement initia le vaste projet qu’est le programme de récupération des carcasses et leur examen post-mortem.
Aujourd’hui, c’est Stéphane Lair de la FMV qui dirige le programme de suivi de la santé des bélugas du Saint-Laurent. Les carcasses échouées qui sont encore en bon état sont apportées au campus de l’Université de Montréal à Saint-Hyacinthe pour un examen approfondi. Tout y passe: les organes sont analysés pour y détecter des maladies ou des anomalies, des analyses génétiques font aussi l’objet d’étude et on détermine l’âge des sujets en dénombrant les anneaux de croissance dans les dents.
Si la carcasse est trop altérée, comme c’est le cas du béluga de l’Anse-à-Valleau, un spécialiste de l’échantillonnage se déplace pour récupérer un échantillon de peau, de gras et de muscle ainsi qu’une portion de la mâchoire inférieure qu’il apportera au laboratoire pour des analyses ultérieures. C’est vendredi le 1er avril que cette carcasse de l’Anse-à-Valleau sera échantillonnée.
Un béluga en Gaspésie?!
Les bélugas sont observés généralement dans l’estuaire du Saint-Laurent et dans le fiord du Saguenay pendant la période estivale. Selon les connaissances acquises à ce jour par les scientifiques, les bélugas se dirigeraient vers le golfe du Saint-Laurent tard à l’automne pour y passer l’hiver. Où précisément? La question demeure. Les données enregistrées dans les années 1940 ainsi que celles obtenues grâce à des survols aériens réalisés au début des années 1990 ont fourni quelques informations sur la présence de bélugas dans le golfe du Saint-Laurent, notamment au large de la Côte-Nord et de la Gaspésie, mais les informations demeurent rares et sporadiques. L’équipe du GREMM a tenté d’en savoir davantage sur l’endroit où les bélugas passent l’hiver en posant des émetteurs satellites sur le dos de quelques individus l’automne dernier. Les résultats n’ont pas été aussi concluants qu’espérés. L’aire de distribution des bélugas, alors qu’ils sont loin des yeux des chercheurs, cache encore beaucoup de secrets.
Les données des observateurs colligées au GREMM rapportent tout de même des observations de bélugas en Gaspésie en plein été. En 2013, deux mentions ont été enregistrées, l’une au large de La Marte et une à Percé. Plus récemment, on rapportait un béluga au large de Port-Daniel en mai dernier puis à Sainte-Anne-des-Monts en juillet 2015. Les résidents de Chandler, eux, se souviendront de la carcasse qui avait été trouvée le 13 aout 2015.
Au Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins, de 15 à 20 carcasses de bélugas sont signalés annuellement dans le Saint-Laurent. Les premières mentions de bélugas morts arrivent généralement en avril et mai, mais le Réseau a enregistré un signalement pour un béluga échoué mort aussi tôt que le 9 mars, en 2010