Par Mathieu Marzelière et Albert Michaud
Lundi 13 aout 2018 au petit matin. L’équipe du BpJAM prend le large en direction de la bouée de mi-chenal dans des conditions météo parfaites.
Alors que les compagnies de croisières aux baleines s’exaltent devant la diversité de grands rorquals présents dans le secteur, nous sommes plutôt à la recherche de bélugas pour poursuivre le programme de photo-identification des bélugas du Saint-Laurent mené par le Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM).
Après une petite heure de recherche, nous croisons enfin un petit groupe d’une vingtaine de bélugas. Le travail commence. Puis, à mesure que le bateau se rapproche du groupe, nous réalisons que ce n’est pas une vingtaine de bélugas autour de nous, mais bien un troupeau de pas moins de 150 baleines blanches !
Nous commençons à photographier deux groupes d’une vingtaine de bélugas où l’on a pu identifier Douxi, connu depuis 1990 et facilement reconnaissable grâce à sa belle marque du côté gauche sur son pédoncule. Douxi n’avait pas été vu depuis 2009 !
Mais à quelques centaines de mètres en amont de notre position, un groupe de sept jeunes adultes attire notre attention. L’un d’entre eux ne nage pas comme les autres, il sort sa queue à chaque ventilation.
Et à mesure que nous nous en approchons, l’interrogation se dissipe pour laisser place à la stupéfaction… il n’a plus de nageoire caudale !
Ce béluga sans queue n’a jamais été vu auparavant. Comment s’est-il fait cette blessure ? Une collision avec une hélice de navire? Un empêtrement dans un cordage? Impossible de confirmer l’origine de cette amputation.
Cependant, ce béluga parait être en bonne santé et sa blessure ne date pas d’hier, puisqu’elle est bien cicatrisée. De plus, bien qu’il sorte son pédoncule à chaque respiration, il se déplace comme ses congénères tout en gardant la même vitesse que le peloton.
Malheureusement, l’arrivée d’une vague de brouillard sur notre lieu de travail met un terme à la rencontre plus vite que prévu. Ce n’est pas la première baleine estropiée rencontrée dans le parc marin du Saguenay Saint-Laurent, et malheureusement, surement pas la dernière. Quels sont les impacts d’une telle amputation? La photo-identification nous permettra peut-être de suivre l’évolution de la vie de cet individu handicapé, et de mieux comprendre les effets d’une telle perte sur son avenir et sa santé.