Le projet The Ocean Cleanup va déployer le 8 septembre prochain sa première barrière flottante, destinée à capturer les déchets dans les eaux du Pacifique Nord. Au cours des six prochains mois, une trentaine de barrières flottantes en forme de fer à cheval seront mises à l’eau pour nettoyer le « septième continent », cet amas de déchets plastiques, grand comme la province de Québec (1,6 million de kilomètres carrés), qui flotte à mi-chemin entre la Californie et Hawaï. L’opération sera suivie de près par les médias du monde entier. Jusqu’à quel point cette nouvelle technologie résoudra-t-elle le problème de la pollution des océans par les déchets plastiques?

L’objectif du projet The Ocean Cleanup, lancé par l’inventeur néerlandais Boyan Slat à l’âge de 18 ans, est de nettoyer près de 50 % du septième continent en cinq ans — soit 36 000 tonnes de déchets plastiques sur les 79 000 comptabilisées lors d’une étude publiée en mars dernier dans Scientific Reports. Plus des trois quarts de la masse de ce continent sont actuellement constitués de débris de plus de 5 cm, dévoile également cette étude. « En enlevant le plastique alors qu’il est encore gros, nous l’empêcherons de se transformer en microplastiques dangereux », explique Boyan Slat sur son site Web. En mer, les déchets plastiques ont en effet tendance à se fragmenter en microparticules inférieures à cinq millimètres, appelées microplastiques. Ceux-ci, lorsque combinées à des particules d’origine biologique (par exemple des microplanctons vivants ou morts ou leurs matières fécales) forment en seulement quelques jours des agrégats qui descendent plus profondément dans la colonne d’eau.

Ressemblants à des proies, les macroplastiques — c’est-à-dire les morceaux plus gros de plastiques — s’accumulent dans l’estomac des baleines, pouvant causer des perforations, des lésions, des blocages et de la malnutrition. Quant aux microplastiques, avalés involontairement par les animaux marins, ils peuvent contaminer la chaine alimentaire par le biais de métaux lourds toxiques, dévoile une étude publiée en février dernier dans PLoS ONE.

Boyan Slat et son équipe sont conscients que ce grand nettoyage, bien que nécessaire, ne résoudra pas à lui seul le problème du plastique dans les océans. « Si on laisse circuler le plastique [dans l’océan], il aura un impact sur nos écosystèmes, notre santé et nos économies. Résoudre [le problème de la pollution par le plastique] nécessite d’éliminer la source [de cette pollution] tout en nettoyant ce qui s’est déjà accumulé dans l’océan », indiquent-ils sur leur site Web.

« La technologie élaborée par Boyan Slat ne permettra de collecter que les macroplastiques, c’est-à-dire les déchets suffisamment gros pour être perçu à l’œil nu », prévient Jeff Ghiglione, directeur de recherche en écotoxicologie au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), en entrevue avec le journal 20 minutes.

« En ramassant 36 000 tonnes sur les 200 millions déversées dans les océans depuis 1950, Boyan Slat ne s’attaquera qu’à 0,02 % de cette pollution », calcule Alexandra Ter Halle chargée de recherche au CNRS où elle travaille sur la fragmentation des plastiques, également en entrevue à 20 minutes. « Il se dit en capacité de le faire en cinq ans. Mais sur ce laps de temps, si nous continuons sur cette mauvaise trajectoire de 20 millions de tonnes de déchets venus des continents et rejetés chaque année en mer, ce seront 100 millions tonnes de déchets qui auront terminé de nouveau leur course dans les océans. »

C’est donc également sur les continents que les solutions sont à trouver, là où nous produisons, consommons et jetons, bien souvent après seulement quelques minutes d’utilisation, ces millions de tonnes de plastique chaque année.

Mise à jour au 19 décembre 2018 : des résultats préliminaires mitigés

La première tentative du projet de nettoyage des océans «Ocean Cleanup» s’est avérée inefficace. L’organisation a lancé son premier système, appelé System 001 ou Wilson, à partir de San Francisco pour s’attaquer au continent de plastiques flottant dans le Pacifique le 8 septembre 2018. Cependant, le système présente des défauts de conception qui l’empêchent de fonctionner correctement pour piéger le plastique à l’aide de ses flotteurs en forme de fer à cheval. Théoriquement, en utilisant les courants océaniques, les flotteurs se seraient déplacés sur les vagues plus vite que les ordures, les piègant ainsi passivement. Ce qui s’est passé lorsque le projet a commencé, c’est que le système n’a pas continuellement retenu le plastique, ce qui en a fait une tentative infructueuse.

L’une des raisons est que le système ne se déplace peut-être pas à une vitesse suffisamment rapide pour retenir le plastique, ce qui donne aux débris emprisonnés la possibilité de s’échapper. Ocean Cleanup espère effectuer d’autres essais et modifier leur conception en conséquence. Ils s’attendent à appliquer leurs solutions à Wilson lors du départ des équipages dans cinq semaines, soit en janvier.

Pour en savoir plus

Actualité - 5/9/2018

Béatrice Riché

Après plusieurs années à l’étranger, à travailler sur la conservation des ressources naturelles, les espèces en péril et les changements climatiques, Béatrice Riché est de retour sur les rives du Saint-Laurent, qu’elle arpente tous les jours. Rédactrice pour le GREMM de 2016 à 2018, elle écrit des histoires de baleines, inspirée par tout ce qui se passe ici et ailleurs.

Articles recommandés

Le retour des baleines noires sur leur territoire ancestral

Depuis 2015, les baleines noires de l’Atlantique Nord font un retour marqué dans le Saint-Laurent, un lieu qu’elles ne fréquentaient…

|Actualité 20/11/2024

Explorer les océans du passé grâce aux cétacés éteints

Bien avant que les baleines que nous connaissons et aimons nagent dans nos océans, de nombreuses créatures se cachaient dans…

|Actualité 11/11/2024

Il était une fois, le béluga du Saint-Laurent…

Résident à l’année dans le Saint-Laurent, le béluga suscite beaucoup d’admiration. Avec leur bouche sympathique toujours porteuse d’un sourire, les…

|Actualité 23/10/2024