Par Cristiane Albuquerque, écologiste et chef d’équipe par intérim au parc marin du Saguenay-Saint-Laurent
J’ai eu la chance de passer 5 jours sur la rive sud de l’estuaire du Saint-Laurent, dont 4 sur la montagne de Gros-Cacouna. Cet endroit est utilisé par la Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk (PNWW) depuis des temps immémoriaux comme lieu de rassemblement et aussi comme guide à la navigation, m’explique Sonia Giroux, la directrice de projets du Réseau d’observation des mammifères marins (ROMM), pendant mon séjour.
Depuis 2014, le protocole des suivis terrestres de Parcs Canada est appliqué sur la rive sud en collaboration avec le ROMM. Ce suivi, qui vise à caractériser le patron de fréquentation des secteurs côtiers par les mammifères marins et les activités de navigation, est effectué à partir de la rive à plusieurs endroits bordant le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent! C’est la première fois que j’ai la chance de faire l’observation à partir de ce côté de l’estuaire du Saint-Laurent.
L'observatoire
Mon premier objectif pour la semaine est de valider l’installation des jumelles dans le nouvel observatoire de la PNWW. Pendant la collecte des données par l’observatrice, les jumelles télémétriques permettent d’estimer la position des groupes de béluga et des embarcations. Pour ce faire, elles doivent toujours être installées de la même façon, avec des repères géographiques, pour qu’on puisse calculer la latitude et longitude des observations grâce à la trigonométrie! Oui, la trigonométrie, ça sert aussi à ça!
Après ma visite, l’observatrice est prête à continuer son travail, dans ce que j’estime être le « bureau à ciel ouvert » le mieux équipé parmi les sites d’observation terrestre! L’altitude du site est idéale pour l’observation à partir de la terre et les groupes de béluga sont souvent très proches de la rive. Ce sont des conditions parfaites pour l’application du protocole de suivi, mais aussi pour observer cette espèce en péril sans déranger ses activités.
L’espace dédié à la recherche sur ce nouveau site d’observation est divisé en trois zones : un belvédère extérieur, une zone pour l’analyse et la saisie des données, et un espace de rangement du matériel de recherche. Du gros luxe!
Les données collectées depuis 2014 indiquent que les bélugas sont fréquemment observés devant la montagne de Gros-Cacouna. Ce secteur est celui qui compte le moins de passages de bateaux parmi les sites du réseau d’observation du parc marin. Il procure probablement de la tranquillité aux groupes de bélugas qui l’utilisent. Pendant mon séjour, j’ai vu seulement deux bateaux passer dans l’aire d’étude. Le brouillard, qui est très fréquent cette saison, n’a pas affecté la visibilité dans le secteur d’étude, qui s’étend jusqu’à 2 milles nautiques de la côte. Les bélugas sont au rendez-vous! Devant le site, très près de la côte, plusieurs groupes ont été observés cette semaine, parfois en alimentation et parfois au repos. Les animaux en alimentation étaient dans un secteur d’environ 15 à 20 mètres de profondeur. Ils faisaient surface en crachant de l’eau. Quelques goélands se tenaient à proximité des bélugas et, à ma grande surprise, s’approchaient des bélugas juste avant que ces derniers n’émergent pour respirer. C’est un comportement qui m’a intriguée.
Cette visite m’a permis d’avoir un contact plus intime avec ce secteur de l’habitat essentiel du béluga et me permettra de mieux interpréter les données récoltées. Mon deuxième objectif est atteint! Pour bien finir ma semaine, j’ai eu la chance de monter à bord du Ciktek pour la première fois. Une mer d’huile et une visibilité de plusieurs kilomètres nous attendaient! C’était la journée parfaite pour aller sur l’eau avec l’équipe du Ciktek pour un suivi du phoque commun. Pour cette journée, nous étions six à bord : le capitaine et son matelot, ma collègue de Parcs Canada et moi, ainsi que Caroline Morais, cheffe des gardiens du Wolastokuk, accompagnée de sa fille, qui vivait sa première sortie à bord du bateau. Lors de notre parcours entre Cacouna et les îles Razades, nous avons dénombré environ 200 phoques communs et quelques phoques gris. Par la suite, plus d’une centaine de phoques communs ont été dénombrés échoués autour de l’île Rouge! Tout ça en plus des innombrables oiseaux marins que nous avons pu observer.
C’est avec beaucoup de gratitude que je termine la semaine! C’est incroyable la beauté et la diversité de vie près de la rive sud de l’estuaire du Saint-Laurent! Je me trouve chanceuse d’avoir pu passer une semaine sur le nouveau site d’observation de la Première Nation et de pouvoir mettre mon grain de sel à des projets qui impliquent les peuples autochtones.
Attention : pour l’instant, le site d’observation des baleines de Gros-Cacouna est encore en construction. Seuls les chercheurs y ont accès. L’observatoire devrait être accessible aux visiteurs en juin 2024. Restez à l’affût pour l’inauguration du Putep’t-awt : Sentier des bélugas!