Par Christine Gilliet
Le gouvernement du Québec allouera ce budget sur deux ans à la recherche scientifique et à l’acquisition de connaissances sur les milieux marins du golfe du Saint-Laurent. L’annonce intervient dans le contexte des coupures fédérales dans la recherche en écotoxicologie et un mois après celle de la cible ambitieuse du Québec: 10 % d’aires marines protégées d’ici 2015.
« Les connaissances scientifiques sur les écosystèmes marins sont essentielles à une prise de décision éclairée par les gouvernements dans les dossiers relatifs aux milieux marins. Les gouvernements du Québec et du Canada l’ont d ‘ailleurs reconnu dans le cadre du Plan d’action Saint-Laurent 2011-2026 signé le 29 novembre 2011 », a annoncé Pierre Arcand, le ministre du Développement durable, de l´Environnement et des Parcs (MDDEP) lors de la dernière Conférence des Nations Unies sur le développement durable qui vient de se terminer à Rio de Janeiro.
Poursuivre les travaux, à contre-courant
« Cet investissement supplémentaire nous permettra de poursuivre les travaux de recherche sur le Saint-Laurent en protégeant les données scientifiques acquises et en préservant l’expertise dans le contexte où le travail de certains chercheurs est menacé par les récentes coupures fédérales. Notre gouvernement prend ainsi ses responsabilités et ‘assure de la protection de cet écosystème fragile et de ses mammifères marins », a précisé le ministre.
Le ministre évoque ainsi brièvement les vagues de coupes budgétaires du gouvernement fédéral dans le secteur de l ‘environnement, déjà intervenues avant l’adoption ce mois-ci de la Loi C-38, qui prévoit d’autres coupures et aménagements. En effet, dans un article publié le 13 juin dernier dans Le Devoir, Jean Piuze, ayant fait carrière pendant 32 ans au ministère Pêches et Océans Canada en tant que chercheur en sciences de la mer et en protection des milieux aquatiques, explique que le gouvernement fédéral vient d’abolir un vaste programme de recherche et de suivi sur les contaminants chimiques mené depuis 50 ans avec la suppression de 70 postes au Canada. Au Québec, le laboratoire d’expertise pour l’analyse chimique de l’Institut Maurice-Lamontagne à Mont-Joli a été récemment démantelé, avec les postes de chercheurs et le programme en écotoxicologie supprimés dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent. Ce programme étudiait la distribution des contaminants dans l’écosystème et leurs impacts sur la faune marine et leurs habitats.
« Au Québec, et c’est une bonne chose, nous allons à contre-courant des coupures fédérales. Il y a une plus grande volonté de faire quelque chose pour les océans», se réjouit Lyne Morissette, cotitulaire de la Chaire UNESCO en analyse intégrée des systèmes marins à l´Institut des sciences de la mer de Rimouski (UQAR-ISMER), citée par l ‘Agence Science-Presse.
Les aires marines protégées et les enjeux du Saint-Laurent
Plusieurs enjeux majeurs sont au cœur de la préservation des eaux et de l’écosystème du Saint-Laurent et du rétablissement des espèces, et ils nécessitent un suivi scientifique à long terme. Parmi eux, la contamination chimique, la surpêche, l’érosion des berges, l’impact des changements climatiques sur les eaux et la chaîne alimentaire, les nouveaux risques liés au projet d’installer des plateformes de forage d’hydrocarbures dans le golfe. Des populations de poissons ont chuté de 90 % depuis les années 1960, celle du béluga n’augmente pas malgré l’arrêt de la chasse et les mesures de protection, et le rorqual bleu en voie de disparition souffre aussi d’un déficit de reproduction.
En mai dernier, le gouvernement québécois s’est engagé à ce que 10 % de la superficie de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent deviennent des aires marines protégées (AMP) d’ici 2015, devançant de cinq ans l’atteinte de la cible internationale fixée lors de la 10e Conférence des Parties tenue à Nagoya, au Japon, en 2010. Actuellement, seulement 1 % du territoire marin est protégé au Canada et au Québec, avec le parc marin du Saguenay Saint-Laurent comme modèle, créé en 1998 et cogéré par Parcs Québec et Parcs Canada.
À Rio, le gouvernement australien a annoncé qu’il projette de doubler le nombre d´AMP du pays, qui passeront de 27 à 60 et devraient représenter 40 % du territoire. Et si les AMP visent à préserver la biodiversité, elles permettent aussi de reconstituer progressivement des stocks d’espèces marines au-delà de leur périmètre, comme l’indiquent les résultats d’une étude australienne publiée le 1er juin 2012.[MDDEP, Science-Presse]
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