Le 25 aout en après-midi, une baleine à bec de Sowerby se rapproche dangereusement des rives de l’ile Verte. La baleine n’est pas tout à fait échouée, mais se trouve en eau très peu profonde. Le biologiste Pierre-Henry Fontaine, fondateur du Musée du squelette situé sur l’ile Verte, est alerté par des concitoyens. Il alerte à son tour le 1-877-7baleine.

«Si on voit un cétacé échoué ou sur le point de s’échouer, le premier réflexe à avoir est de composer le 1-877-7baleine (1-877-722-5346), explique Mélissa Tremblay, responsable du Centre d’appels du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins. Des techniques existent pour augmenter les chances de succès d’une remise à l’eau. Une équipe spécialisée pourra donc aider les témoins sur place à intervenir. Ce ne sont pas des manœuvres évidentes à effectuer, et elles comportent des risques autant pour les intervenants que pour l’animal en difficulté.» Par le passé, il est arrivé que des personnes bien intentionnées causent la mort de l’animal en souhaitant lui venir en aide.

L’équipe du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins contacte la Marine Animal Response Society, qui a une grande expertise en remise à l’eau de mammifères marins, pour obtenir leurs conseils sur l’intervention. La vétérinaire-conseil Marion Desmarchelier de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal est également consultée.

L’équipe de Pierre-Henry Fontaine tente de réorienter l’animal vers le large. Toutefois, à plusieurs reprises, le cétacé revient vers la rive. «C’est comme s’il voulait s’échouer. Les intervalles entre ses respirations étaient très courts», relate Pierre-Henry Fontaine. Au bout de plusieurs essais, l’animal semble retrouver de la vigueur et se débat. Il repart de lui-même vers le large, puis effectue au moins deux respirations avant de plonger et disparaitre.

Le 26 aout, des bénévoles patrouillent sur les rivages au cas où la baleine à bec reviendrait vers l’ile. Pour le moment, la baleine n’a pas été revue.

Si vous voyez une baleine à bec vivante, en difficulté ou morte, composez le 1-877-7baleine.

Qu’est-ce qu’une baleine à bec?

Le terme «baleine à bec» ne réfère pas à une espèce, mais bien à une famille. De la même façon, on parle de «rorquals» pour les petits rorquals, rorquals communs, rorquals à bosse, rorquals bleus, etc. La famille des baleines à bec, aussi appelée ziphiidé, compte au moins vingt espèces. Très peu d’informations existent sur cette famille de cétacés: les individus semblent préférer les eaux loin des côtes et passent la majorité du temps loin de la surface, ce qui les rend très difficiles à observer ou même à comptabiliser lors d’un survol aérien. La plupart des connaissances sur les baleines à bec proviennent des données recueillies sur les carcasses.

Pour différencier les espèces de baleines à bec, il faut observer la longueur du rostre, la forme, la taille, la position des dents et, ultimement, la génétique. Sur un animal vivant en difficulté, cela est un très grand défi. «L’animal que nous avons aidé était de petite taille, environ 4 mètres, un rostre allongé, pointu. Il n’avait pas de dents et sa couleur était plutôt brune», relate Pierre-Henry Fontaine. Les photos ont été envoyées à des experts des baleines à bec pour identification. Grâce à la longueur et à la forme du rostre (le bec), ils ont identifié une baleine à bec de Sowerby. Le patron de coloration et la taille de l’animal laisse croire qu’il s’agit d’un juvénile.

Parmi les treize espèces du Saint-Laurent, on compte la baleine à bec commune. Toutefois, les observations de cette espèce vivante sont très rares. Plusieurs espèces de baleines à bec ont été trouvées mortes sur les rives du Saint-Laurent : des baleines à bec communes ont été trouvées échouées en 1940, 1994 et 1997, puis des baleines à bec de Sowerby ont été trouvées mortes dans le parc Forillon en 2006, sur l’ile aux Pommes en 2013, à Escuminac en 2016 et à Rivière-au-Tonnerre en 2018. En 2017, deux baleines à bec de True ont été trouvées échouées aux Îles-de-la-Madeleine.

Urgences Mammifères Marins - 27/8/2019

Marie-Ève Muller

Marie-Ève Muller s’occupe des communications du GREMM depuis 2017 et est porte-parole du Réseau québécois d'urgences pour les mammifères marins (RQUMM). Comme rédactrice en chef de Baleines en direct, elle dévore les recherches et s’abreuve aux récits des scientifiques, des observateurs et observatrices. Issue du milieu de la littérature et du journalisme, Marie-Ève cherche à mettre en mots et en images la fragile réalité des cétacés.

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