En face du village de Godbout, le 23 février, un grand rorqual s’approche de la côte. Son long dos défile quand il respire à la surface de l’eau, en moyenne trois souffles avant de plonger. « On l’entend venir de loin », souligne un ornithologue de la région, en faisant référence au son du souffle parfaitement audible à des kilomètres de distance. Ce collaborateur réussit à prendre plusieurs clichés de l’animal et les envoie à l’équipe du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM) pour demander s’il s’agit d’un rorqual bleu ou d’un rorqual commun. C’est un rorqual bleu, et un bien connu.
« Comment avez-vous déterminé l’espèce ? », demande l’observateur. L’assistant de recherche du GREMM explique que plusieurs indices lui ont mis la puce à l’oreille : l’allure générale de l’animal, sa coloration relativement pâle, la taille et la forme des évents ainsi que la petite nageoire dorsale. Et ne l’oublions pas — au fil des ans, l’exercice d’identification devient une seconde nature pour les chercheurs ; ils ont l’œil exercé.
L’équipe du GREMM envoie aussi les photos à l’équipe de la Station de recherche des iles Mingan (MICS) pour tenter d’identifier l’individu. Le MICS étudie les rorquals bleus du Saint-Laurent depuis 1979. Cette équipe d’expérience a identifié plus de 475 individus, dans l’Atlantique Nord-Ouest, des Bermudes jusqu’au nord du détroit de Davis (entre le Canada et le Groenland), le long de la côte est.
Ils confirment qu’il s’agit de Slash (B119), un mâle vu à plusieurs reprises dans les différentes régions d’étude (Haute-Côte-Nord, Minganie et Gaspésie) depuis 1985. Les cicatrices blanchâtres sur son flanc droit permettent de le reconnaitre, car la pigmentation de sa peau — LA carte d’identité des rorquals bleus — est peu visible sur les photos. La dernière mention de Slash remonte en 2015. Il se trouvait au large de Longue-Rive, en Côte-Nord.