Avec un plongeur, un ordinateur, des hydrophones, un clavier-souris, des lampes à LED et des « mots » enregistrés, des chercheurs états-uniens spécialisés en biologie et en intelligence artificielle tentent de « co-créer » un langage avec des dauphins en milieu naturel. Ce test réussi serait un pas vers une communication bidirectionnelle entre les humains et ces animaux.
Depuis les années 1960, la recherche avec des dauphins en captivité a révélé qu’ils étaient capables de communiquer grâce à des associations d’images et de sons, ainsi que de mémoriser une centaine de mots. Selon l’ordre des mots, ils peuvent répondre à des commandes précises, telles que: « apporte la planche de surf à l’homme » et « apporte l’homme à la planche de surf ».
Mais ce type de communication est unidirectionnelle, car les dauphins ne peuvent s’approprier ce système de communication pour émettre et faire des demandes, explique Denise Herzing, fondatrice du Wild Dolphin Project en Floride, dans l’article paru le 9 mai 2011 dans la revue New Scientist. Depuis 1985, cette biologiste étudie, entre autres, la communication sur les dauphins tachetés de l’Atlantique (Stenella frontalis) dans leur habitat naturel.
Créer un langage adapté aux dauphins
Denise Herzing et son équipe tentent depuis 1998 d’établir une communication bidirectionnelle avec ces dauphins en utilisant des sons artificiels que les dauphins peuvent associer avec quatre icônes placées sur une sorte de clavier sous-marin. Par exemple, ils font une demande à l’humain en pointant avec leur corps un des symboles : « jouer avec une algue » ou « glisser sur la vague d’étrave du bateau ».
Maintenant, Herzing collabore avec Thad Starner, un chercheur en intelligence artificielle au Georgia Institute of Technology à Atlanta, pour mener un projet de recherche appelé Cetacean Hearing and Telemetry (CHAT). Ces deux scientifiques veulent « co-créer » un langage avec les dauphins. Il s’agit d’utiliser des sons que les dauphins puissent adopter de manière naturelle, de les enregistrer, les interpréter et y répondre. Un défi de taille pour les chercheurs, puisque les dauphins utilisent des sons de très haute fréquence (jusqu’à 200 kilohertz) dix fois plus rapides que le son le plus aigu émis par l’être humain, et qu’ils projettent ces sons dans des directions multiples sans tourner la tête.
Huit « mots » à imiter
Le dispositif et le protocole vont être testés au large de la Floride en milieu d’année avec les dauphins tachetés. Un plongeur sera équipé d’un ordinateur étanche sur son torse, ainsi que des lampes à DEL sur son masque qui s’allumeront pour signaler la direction du son capté par un hydrophone et émis par un dauphin. Il aura aussi en main un « Twiddler », un appareil combinant souris et clavier pour sélectionner et émettre huit « mots ». Reprenons l’exemple de « jouer avec une algue » ou « glisser sur la vague »: le plongeur diffusera l’enregistrement de l’un de ces deux « mots » et l’ordinateur écoutera pour détecter si les dauphins l’imitent.
Et après?
Pour poursuivre leurs expériences, les chercheurs tenteront d’analyser les enregistrements, faire le tri entre les sons naturels des dauphins et ces imitations, et ainsi peut-être distinguer les principaux éléments de communication de ces animaux qu’ils appellent « unités fondamentales ».
En les associant avec des objets et des comportements, Denise Herzing pourrait être la première à décoder les rudiments d’un langage chez les dauphins. « Nous ne savons même pas si les dauphins ont des mots », dit Denise Herzing qui ajoute aussi, « si nous les connaissions, nous pourrions les utiliser ».[New Scientist, Maxisciences]
Pour en savoir plus:
Sur le site de Maxisciences : Un dispositif à l’essai pour communiquer avec les dauphins