Par : Pierre-Alexandre Dumas, coécrit avec Eliza-Jane Morin

Il est 8h00 et je rejoins mon équipe au bureau de Parcs Canada à Tadoussac. Aujourd’hui, nous allons effectuer le suivi des oiseaux côtiers dans la région de Charlevoix. Mes collègues Eliza et Simon iront à la baie des Rochers pendant que je m’occuperai des autres sites d’observation du secteur.

Nous quittons le bureau en direction de Charlevoix. La journée est parfaite pour l’observation des oiseaux. Les nuages sont hauts, il ne vente pas et il ne fait pas trop froid, seulement -8 °C. Ces conditions permettent une bonne identification des oiseaux, même à plus d’un kilomètre des côtes. J’embarque sur le traversier entre Tadoussac et Baie-Sainte-Catherine et en terminant mon café, je vois un pygargue à tête blanche! La journée commence bien!

Sur la route, je pense à l’importance de l’estuaire du Saint-Laurent pour l’hivernage de plusieurs espèces d’oiseaux marins. Dans les baies et le long des côtes, les oiseaux s’alimentent et se protègent des vents froids de l’hiver. L’estuaire du Saint-Laurent est particulièrement important pour le Garrot d’Islande. La population de l’Est de l’Amérique du Nord compte près de 8 000 individus. La majorité d’entre eux (95%) hiverne dans l’estuaire et le golfe du Saint-Laurent, dont environ la moitié (30 à 50%) passe la saison froide dans le parc marin du Saguenay–Saint-Laurent. Comme c’est une petite population, elle est sur la liste des espèces préoccupantes (au Canada) et vulnérables (au Québec).

Mon premier arrêt est dans un petit stationnement au creux de la baie Sainte-Catherine. J’installe ma lunette d’approche. Avant de commencer le dénombrement des oiseaux, je note les conditions météo : la température, la force et la direction du vent, la hauteur des vagues et la visibilité. Je commence le balayage visuel de droite à gauche en comptant tous les oiseaux que je vois. Au total, j’observe près de 1 500 Canards noirs, 7 Goélands hudsoniens (anciennement argenté), 2 Guillemots à miroir, et 25 Petits Garrots. Il n’y a pas de Garrot d’Islande cette fois-ci. Le prochain arrêt est à l’embouchure de la rivière aux Canards, quelques kilomètres à l’ouest de Baie-Sainte-Catherine. Je répète les mêmes mesures et je débute le dénombrement. Je vois plusieurs goélands, mais aucun canard marin. Comme je me prépare à repartir, un groupe de canards arrive en vol rapide pour se poser dans le petit chenal de la rivière. Je pointe la lunette d’approche sur eux : ailes marquées de noir et de blanc, tête aux reflets violacés avec une tache blanche en forme de croissant. Il n’y a pas de doute, c’est bel et bien un groupe de Garrots d’Islande! Au total, il y a 17 mâles et 12 « têtes brunes ». On utilise le terme « têtes brunes » pour les femelles et les juvéniles Garrots d’Islande, parce qu’ils sont difficiles à distinguer. Les mâles sont faciles à identifier parce qu’ils ont leur plumage nuptial. J’indique leur position sur la carte du site et celle de la limite des glaces.

Je poursuis le suivi encore quatre heures. Au total, je vais visiter huit sites sur la côte de Charlevoix entre Baie-Sainte-Catherine et Pointe-au-Pic, à La Malbaie. À la fin de ma journée, j’ai dénombré près de 3200 oiseaux, dont 150 Garrots d’Islande.

De retour au bureau en fin de journée, je retrouve mes collègues. Eux aussi ont profité des bonnes conditions d’observation. Plus de 200 Garrots d’Islande et 40 Garrots à œil d’or ont été observés à la baie des Rochers en alimentation! Les Garrots à œil d’or sont très similaires aux Garrots d’Islande. Pour les distinguer, il faut porter attention, entre autres, à la forme de la tache blanche sur la joue, qui est ronde chez les Garrots à œil d’or. Ils ont aussi plus de blanc sur les ailes que les Garrots d’Islande. Également, près d’une centaine d’oiseaux de cinq autres espèces ont été observés sur le site.

À propos du suivi

Depuis 2013, Parcs Canada mène un suivi hivernal sur le Garrot d’Islande à la baie des Rochers. En 2021, le territoire à l’étude a été étendu pour inclure plusieurs autres sites importants pour le Garrot d’Islande et d’autres espèces d’oiseaux marins côtiers dans le parc marin et ses alentours. Maintenant, le suivi couvre un territoire de Baie-Comeau à La Malbaie sur la rive nord de l’estuaire et de Métis-sur-Mer jusqu’à Kamouraska sur la rive sud.  Le suivi est réalisé en collaboration avec l’Observatoire d’oiseaux de Tadoussac, l’Observatoire d’oiseaux de Rimouski, la Première Nation des Innus Essipit, la Première Nation des Wolastoqiyik Wahsipekuk et avec Dominic Francoeur du Cégep de Baie-Comeau. Cette collaboration permet de couvrir tous les sites entre la mi-novembre et la fin mars.

L’ajout de nouveaux sites et l’implication de nouveaux partenaires permettent d’obtenir une vision davantage écosystémique pour les oiseaux côtiers en hiver, et ainsi obtenir un portrait plus précis des populations d’oiseaux côtiers qui hivernent dans l’estuaire. De plus, pour améliorer la couverture du territoire et pour préciser nos analyses, l’équipe de Parcs Canada utilise aussi les données provenant deBird, un programme de science citoyenne pour l’observation des oiseaux. Ainsi, vos observations sur le terrain peuvent nous aider à établir un portrait précis de la situation du Garrot d’Islande.

Carnet de terrain - 13/3/2025

Collaboration Spéciale

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