Ce dimanche 25 mars, le Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins a reçu un appel pour un rorqual à bosse à demi-échoué se débattant dans les vagues sur la plage de l’Étang du Nord aux Iles-de-la-Madeleine. La baleine a péri suite à son échouage en soirée dimanche.
Rappel des évènements :
- Dimanche 25 mars : la baleine est trouvée échouée vivante sur la plage de l’Étang-du-Nord et signalée en après-midi au 1-877-7baleine. L’animal était amaigri et ses chances de survies ont été jugées nulles, même si la baleine est repoussée vers le large. La baleine n’a pas survécu à son échouage.
- Lundi 26 mars : la carcasse du rorqual à bosse de petite taille est « naturellement » sécurisée et immobile à une dizaine de mètres du rivage. Le ministère Pêches et Océans Canada évalue la faisabilité de documenter la carcasse et l’ampleur de la documentation, en fonction des ressources disponibles.
- Mardi 27 mars : les autorisations sont reçues et la logistique pour procéder à une nécropsie de la baleine se met en place. Les vétérinaires du Centre canadien pour la santé de la faune sont en route vers l’archipel, les bénévoles d’Urgences Mammifères Marins se mobilisent et Pêches et Océans coordonne le transport de la baleine, en collaboration avec Nettoyage Industriel Vigneau, vers le site où la carcasse sera étudiée.
Pour approfondir le sujet
Questions et réponses sur le cas
Comment une baleine échouée vivante peut-elle mourir d’asphyxie?
Dimanche 25 mars
Une situation dangereuse
Les vidéos qui ont été envoyés démontrent la dangerosité d’une telle situation; une baleine échouée vivante se débat pour retrouver sa liberté de mouvement.
Il s’agit d’un comportement qui aurait pu engendrer un accident pour les personnes qui tentaient de prêter assistance à la baleine.
Rapidement, une équipe de la Sureté du Québec et des agents des pêches du ministère des Pêches et Océans Canada (MPO) ont été dépêchés sur les lieux afin d’assurer la sécurité du public sur place.
Une baleine amaigrie
Parallèlement, une évaluation de la condition de l’animal a été réalisée.
Les cas de cétacé échoué vivant demandent une analyse détaillée de la situation, première étape d’un processus décisionnel établi par le MPO afin d’entreprendre les actions adéquates pour la suite des choses. Le processus décisionnel est basé sur plusieurs critères, notamment l’état de santé de l’animal, la logistique et les ressources disponibles.
L’ensemble des experts consultés était d’avis que la baleine était amaigrie et que même si elle était ramenée vers le large, ses chances de survie étaient à peu près nulles.
De plus, ces tentatives de sauvetage sont très risquées et nécessitent une logistique complexe. En effet, vu la taille de la baleine et sa puissance, il est très risqué de manipuler ces animaux, de les déplacer ou même de procéder à une euthanasie, puisque cela requiert une grande dose de barbituriques dangereuse à manipuler.
La décision a donc été prise avec les autorités du MPO de laisser l’animal à son sort.
La suite au lever du soleil
Des bénévoles d’Urgences Mammifères Marins sont restés sur le site jusqu’à 21h ce soir, et selon leurs observations, la baleine aurait possiblement succombé à sa condition, quoiqu’il soit difficile d’en être certain comme la nuit était tombée. En plus des risques d’asphyxie dus à la lourdeur de la baleine – les poumons sont comprimés – les animaux échoués vivants sont aussi susceptibles de s’infliger des contusions/blessures à force de se débattre.
Des bénévoles et la Sureté du Québec collaboreront dès le lever du soleil lundi matin pour assurer le suivi de la situation. Aucune euthanasie n’a été envisagée dans l’immédiat, mais cette décision pourrait être révisée si la baleine est encore vivante. Si la mort de l’animal est confirmée, une nécropsie pourrait être envisagée.
Lundi 26 mars 2018
On évalue la possibilité d’étudier la carcasse
18:00
La carcasse de la baleine semble s’être « naturellement » sécurisée dans la journée avec les courants marins.
Tout porte à croire qu’une nécropsie de l’animal pourra être faite dans les prochains jours. Cela permettrait de connaitre les causes de son décès. Il reste toutefois quelques autorisations à obtenir. Les vétérinaires du Réseau canadien pour la santé de la faune, basés à Montréal et à l’Île-du-Prince-Edouard, sont sur le qui-vive et ont assemblé le matériel, prêts à partir dès qu’ils auront le feu vert pour procéder à l’examen complet de la baleine.
Cette intervention nécessite une logistique complexe. Il sera essentiel d’avoir un plan précis « post-nécropsie » pour disposer des restes de la baleine dans le respect des normes environnementales et pour ne pas qu’ils représentent une nuisance pour les citoyens.
Les bénévoles d’Urgences Mammifères Marins seront de nouveau sur place demain.
7:45
La baleine est toujours échouée au même endroit, à une vingtaines de mètres du rivage. Même son de cloche que la veille, à 21h30, rapporté par une bénévole d’urgences Mammifères Marins : elle est immobile, inerte, et est balancée par les vagues. Elle n’a pas pu survivre à son échouage.
Nous évaluons les différentes options pour documenter la carcasse et allons statuer sur le niveau d’investigation qui sera fait. Si la carcasse est étudiée, nous devrons la sécuriser en la remontant sur la plage, avec de la machinerie.
Les différents scénarios sont actuellement à l’étude par le groupe conseil chez Pêches et Océans Canada.
Mardi le 27 mars 2018, 17:00
Les autorisations des ministères et de la municipalité ont toutes été reçues en matinée. Depuis, les efforts sont déployés pour organiser la logistique pour qu’une nécropsie soit réalisée dans la journée de demain, mercredi.
Une partie de la journée de mardi a été consacrée à organiser le déplacement de l’animal. L’équipe de Nettoyage Industriel Vigneault s’affaire en ce moment à sortir la baleine de l’eau, pour l’embarquer sur une remorque, avec laquelle elle sera transportée au site dédié à la nécropsie.
Au même moment, les vétérinaires, au nombre de cinq, sont en déplacement en provenance de Montréal et de l’Île-du-Prince-Édouard en direction de l’archipel.
Pour en savoir plus, écoutez Josiane Cabana, porte-parole pour le réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins, en entrevue à CFIM, la radio des Îles de la Madeleine.
Quelques règles de sécurité
Les Madelinots sont invités à respecter le périmètre de sécurité qui sera érigé autour du rorqual lorsqu’il sera ramené sur la côté, parce qu’il peut être porteur de maladies et de bactéries; il faut aussi garder les animaux en laisse pour les protéger.
De plus, il est important de ne pas tenter de prélever des morceaux de la carcasse; il est important que l’animal soit intact dans le cadre de l’examen à venir par les vétérinaires.
Le Centre d’appels d’Urgences mammifères marins prévient aussi les marcheurs que la plage pourrait être glissante à cause des fluides qui s’échapperont de l’animal.
Mise à jour – Mercredi le 28 mars 17:00
Une sorte de marathon vient de se terminer; en un peu plus de 4 heures, l’équipe a complété la nécropsie entière de la baleine. Les restes sont enfouis dans le sol au moment d’écrire ces lignes.
Constats préliminaires
Tel que présumé à la vue des premières images, la baleine, une jeune femelle de 8,8 m, était dans un très mauvais état corporel, avec un niveau de gras sous-optimal.
Le rorqual à bosse échoué dimanche serait vraisemblablement âgé d’environ un an. L’allaitement dure de 5 à 10 mois chez les rorquals à bosse.
La baleine était en période post sevrage, non dépendante de sa mère, mais à un moment critique de sa vie où elle devient autonome pour s’alimenter et doit assurer sa propre alimentation, et ainsi, sa survie. Cette baleine n’a visiblement pas réussi cette étape. – Stéphane Lair, vétérinaire à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal.
Il est raisonnable de croire, selon le docteur Lair, que son échouage de dimanche serait une conséquence de son piètre état corporel. Possible que cette baleine, déjà affaiblie par sa mauvaise condition, ait été entrainée trop près de la côte. Les zones de haut fond autour des iles sont nombreuses, ainsi, la baleine a été prise ventre à terre.
Faire parler les tissus
L’examen de la carcasse sur place relate ni lésion ni signe évident de trauma. L’analyse de l’estomac, pratiquement vide sauf quelques fluides, confirme que la baleine n’avait rien ingéré ces dernières semaines. Des analyses plus poussées en laboratoire permettront d’approfondir l’étude de cette carcasse.
Que la baleine soit aussi fraiche permet d’éviter le biais causé par les changements post-mortem dans les tissus. Par exemple, si un hématome avait été présent, nous l’aurions vu tout de suite.– Stéphane Lair, vétérinaire à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal.
Le fait qu’elle se soit échouée vivante ne semble pas avoir créé de blessures majeures, sauf quelques égratignures sur la mandibule inférieure et des plaies superficielles sur ses longues nageoires pectorales.
Des questions subsistent toujours, à savoir si cette baleine en est une qui serait venue passer l’été dans le Saint-Laurent et aurait choisi d’y rester, pour l’hiver, affectant sa condition. Ou est-ce un jeune animal qui revenait hâtivement des eaux des Caraïbes, d’une longue migration qui n’a pas aidé non plus son état.
L’analyse des rares balanes trouvées sur sa peau, ces crustacés qui varient d’espèces selon que la baleine est en eau froide ou en eau chaude, pourrait aussi apporter des éléments de réponses. La Station de recherche des Iles Mingan (MICS) a analysé les photos prises en début de semaine, et cet individu n’est pas au catalogue des animaux connus.
11:00 (12:00, heure des IDM)
Dès 7 h, les équipes d’interventions étaient prêtes à rassembler les dernières choses pour la journée de la nécropsie.
Les conditions météo sont difficiles, froid et pluie intermittente sont au rendez-vous, et le sol en dégel complique le transport du mastodonte à l’emplacement désigné pour la nécropsie, à proximité du Centre de gestion des matières résiduelles des Iles de la Madeleine.
C’est finalement à midi, heure des iles, que les premières données ont pu être prises sur la baleine. D’abord, les mesures – la longueur totale est de 8,8 m, puis le sexe, une femelle
La nécropsie est donc amorcée. Les vétérinaires constatent que la bête est bien préservée, sans marque externe majeure, et sont toujours confiants de pouvoir compléter leur examen en cinq heures.