Lundi, le 5 septembre en début d’après-midi, la centrale d’appels du Réseau québécois d’Urgences Mammifères Marins reçoit un signalement concernant une carcasse de dauphin à flancs blancs flottant à la surface de l’eau près de l’embouchure de la Rivière Hâtée, située entre Rimouski et Le Bic. On me demande alors de préparer mon matériel d’intervention et de me diriger sur place, pendant que la centrale sollicite l’aide de plusieurs bénévoles du Réseau, qui sont indispensables pour la réalisation d’une telle intervention. Il s’agit du deuxième dauphin récupéré par le Réseau cette année. En effet, un dauphin à nez blanc a été retrouvé échoué sur une plage à Blanc-Sablon en juillet dernier. Ces deux espèces de dauphins visitent régulièrement le Golfe, surtout en automne, et on retrouve occasionnellement les dauphins à flancs blancs dans l’estuaire du Saint-Laurent.
Une fois arrivé sur les lieux, je constate que l’accès le plus direct au site est via un terrain de camping dont seuls les visiteurs sont autorisés à accéder à la plage. Pendant que la centrale d’appels tente de trouver une manière d’accéder au site, je me rends à un point d’observation qui me permet de scruter la baie à l’aide de mes jumelles ; je trouve rapidement la carcasse du dauphin grâce à la longue nageoire pectorale qui émerge de l’eau à la limite de la marée basse. Quelques instants plus tard, le propriétaire du camping nous donne un droit d’accès à la plage la plus près du dauphin.
Comme la marée n’allait pas tarder à remonter, j’ai rapidement enfilé mes hautes bottes et commencé à me diriger vers la carcasse en compagnie de la première bénévole arrivée sur place. Une vaste batture nous sépare de la carcasse et nos premiers pas sont les plus difficiles ; nos pieds s’enfoncent profondément dans la vase entre chaque enjambée, ce qui fait même perdre l’équilibre à notre bénévole qui chute dans le substrat mou dès le début de notre trajet ! Heureusement, une résidente de l’endroit nous indique une discrète barre de sable qui permettrait plus facilement de nous rendre vers notre objectif. Grâce à ce précieux savoir, on se rend finalement jusqu’à la carcasse, que l’on traîne dans l’eau sur quelques mètres afin d’atteindre la limite de la batture. Accompagnés de deux autres âmes charitables qui se sont jointes à notre petite équipe, nous installons la carcasse sur une civière, qui nous permet de porter le dauphin vers la plage sans trop de difficulté malgré le poids important de l’animal. Un dauphin de cette taille peut peser entre 300 et 400 livres, un peu comme transporter un réfrigérateur (mais en plus mou) à bout de bras dans le sable, c’est loin d’être facile !
Une fois le dauphin posé sur la plage, deux autres bénévoles arrivent sur place et nous assistent pour la documentation de la carcasse. Nous prenons le temps de mesurer les différentes parties du corps du cétacé, et l’inspectons pour déceler des lésions qui pourraient révéler des indices quant à la cause desa mort. Afin d’en apprendre plus sur le décès de l’animal, nous devrons l’apporter à la Faculté de Médecine vétérinaire de l’Université de Montréal, située à Saint-Hyacinthe, pour qu’une nécropsie soit effectuée. Pour conserver l’animal en bon état d’ici son transport vers le sud de la province, nous l’entreposons dans un congélateur situé à l’un de nos entrepôts sur la rive sud. Grâce à l’incroyable force combinée de notre petite équipe, nous réussissons à monter l’animal dans la boite du véhicule à l’aide de nos bras. Les bénévoles du Réseau m’accompagnent ensuite jusqu’à l’entrepôt pour transférer le dauphin vers le congélateur, ce qui m’a permis d’économiser beaucoup de temps et d’énergie !
Sans le travail de nos fidèles bénévoles, ce type d’opération serait très difficile à réaliser. C’est dans ces situations que nous nous sentons particulièrement choyés de pouvoir compter sur des bénévoles motivées partout à travers la province !
Par Vincent Giroux