Lorsque le Réseau québécois d’urgence pour les mammifères marins reçoit un appel concernant une carcasse échouée ou à la dérive, un membre d’une équipe spécialisée ou un bénévole se rend sur les lieux pour documenter le cas et informer le public. Dans certains cas, des chercheurs sont intéressés à récupérer des échantillons ou la carcasse entière à des fins scientifiques et éducatives.
Une fois sur le site, on récolte des photos de la carcasse et on prend des données (espèce, taille, patron de coloration, blessures apparentes, mesures). Un échantillon de peau et de graisse peut être récupéré pour différentes analyses qui serviront à découvrir d’une part le sexe de l’animal avec des analyses génétiques, mais aussi sa concentration en contaminants puisque le gras de la couche sous-cutanée en accumule beaucoup. Des dents sont retirées afin de déterminer l’âge de l’animal à partir des couches de croissances. Les fanons, s’il y en a, sont aussi récoltés; ceux-ci nous donneront des indices sur le régime alimentaire de l’animal.
Il arrive souvent que l’animal soit en état de décomposition trop avancée pour procéder à un examen post-mortem, ou nécropsie. Il est alors difficile de connaitre la cause de mortalité de l’animal à moins d’évidences extérieures.
Lors de la découverte d’une carcasse de certaines espèces assez rares ou d’intérêt pour les chercheurs, la nécropsie peut se réaliser sur place si elle est considérée comme assez fraîche pour l’étude. La première étape est de retirer la couche sous-cutanée, sous forme d’un épais manteau de graisse de plusieurs dizaines de centimètres variant selon l’espèce. On identifie ensuite les organes puis on les analyse sur place ou en laboratoire. Le contenu stomacal fait souvent l’objet d’une étude attentive; la présence de proies peu ou pas digérées révèle par exemple si l’animal est mort subitement ou si la mort est venue après une maladie ayant affaiblie l’animal sur une longue période de temps.
Dans le cas d’une carcasse relativement fraiche de béluga, celle-ci est envoyée à la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal à Saint-Hyacinthe où l’équipe de Stéphane Lair procèdera à différents examens post-mortem afin de comprendre la cause de mortalité. Premièrement, une analyse macroscopique est effectuée afin de repérer la présence ou non de lésions visibles ou de signes évidents pouvant avoir causé le décès de l’animal. Ensuite, une analyse microscopique est exécutée. Tous les organes sont échantillonnés et tranchés pour être observés au microscope. Les muscles sont pesés pour identifier une potentielle atrophie musculaire pouvant traduire un trouble alimentaire. Les poumons sont analysés, car des cas de pneumonie parasitaire sont fréquemment observés. Une attention particulière est portée aux glandes mammaires et au tube digestif comme les deux cancers les plus répandus chez le béluga du Saint-Laurent sont le cancer gastro-intestinal et le cancer des glandes mammaires. Malgré toutes ces analyses et tous ces échantillons récoltés, il est difficile dans la majorité des cas de déterminer la cause exacte de mortalité chez ces baleines. On estime que la cause de mortalité d’environ le tiers des carcasses de bélugas analysées demeurera inconnue.
Les os peuvent ensuite être récupérés à des fins éducatives. Il est alors possible d’observer et mieux comprendre la charpente colossale de ces géants. Ce sera le cas des os de la carcasse de la baleine noire retrouvée en Gaspésie la semaine dernière; on les retrouvera un jour parmi les autres squelettes du Centre d’Interprétation des Mammifères Marins à Tadoussac. Plus encore, l’exposition du squelette des spécimens retrouvés échoués sur les berges du Saint-Laurent permet de donner une deuxième vie à ces animaux et de sensibiliser le public sur les différentes menaces qui pèsent sur elles.
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