Par Estelle Pagé, assistante de recherche pour le Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM)

Il est 6h00 du matin, mon quart de navigation vient de commencer. Après six jours passés dans la brume épaisse qui enveloppe les Grands Bancs de Terre-Neuve, ça commence enfin à se dégager. Ce phénomène naturel, aussi fascinant que déroutant, est à la fois un spectacle impressionnant et une source de stress pour un équipage en voilier. Naviguer dans la brume exige une confiance absolue dans nos instruments de navigation, avec l’espoir silencieux de ne pas croiser d’autres navires.

Le vent est plutôt favorable aujourd’hui, il a une constance appréciable qui nous permet de maintenir une vitesse d’environ 5 nœuds. Nous sommes partis de Québec, et on prévoit encore une semaine de navigation avant d’arriver à Horta, aux Açores  , notre escale avant de se diriger vers le Portugal.

Je prends une première gorgée de mon café, cherchant encore à me réveiller complètement, étant de nature peu matinale. Alors que je regarde l’horizon, mon esprit encore embrumé par le sommeil, quelque chose attire mon attention. À ma grande surprise, un groupe de dauphins dauphins communs à bec court s’approche de notre bateau.

Je vois trois individus émerger à bâbord, suivis de plusieurs autres qui semblent venir vers nous. Tous se dirigent directement vers la proue de notre voilier. Mon cœur s’accélère d’excitation – chaque rencontre avec ces animaux est une expérience qui me fait sentir comme une enfant qui en voit pour la toute première fois. C’est tellement fascinant de savoir qu’il y a autant de vie en dessous de nous et qu’on en connaît encore si peu.

Je mets mon harnais et me dirige rapidement vers l’avant du bateau, en contournant le génois pour me rendre sur la rambarde du balcon avant. Là, je m’assois pour les observer de plus près. Ils sont nombreux, une quinzaine environ, tous alignés côte à côte pour surfer sur la vague générée par notre voilier. C’est incroyable de les voir glisser avec une telle aisance et interchanger leurs positions avec une synchronisation parfaite.

Bien que les voiliers émettent peu de bruit lorsqu’ils naviguent à la voile, je trouve qu’il est important de rappeler qu’ils ne sont pas sans impact sur les mammifères marins. Même sans moteur, notre présence peut perturber ces individus sensibles. La vitesse, le bruit des équipements, et même notre simple présence peuvent avoir des effets sur leur comportement et leur bien-être. Les dauphins, comme beaucoup d’autres mammifères marins, sont vulnérables aux perturbations, et il est de notre responsabilité de minimiser notre impact. En tant que plaisanciers et plaisancières, il faut respecter les distances minimales recommandées pour éviter de les déranger.

L’océan est assez calme, ce qui me permet d’entendre les sons émis par les dauphins. Leurs sifflements résonnent comme des petits couinements. En à peine cinq minutes, ils repartent aussi rapidement qu’ils sont arrivés, disparaissant dans l’horizon avec une aisance gracieuse. Je reste là, reconnaissante d’avoir été témoin d’une telle beauté.

Notre rencontre avec les dauphins aujourd’hui est un beau rappel de l’importance de préserver ces interactions précieuses tout en minimisant notre impact.

Carnet de terrain - 28/8/2024

Collaboration Spéciale

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