Mackie Greene est l’un des co-fondateurs du Campobello Whale Rescue Program au Nouveau-Brunswick et a récemment participé au dépêtrement d’une jeune baleine noire (veau 2023 de #1812) dans l’estuaire du Saint-Laurent le 10 juillet 2024. Nous avons eu l’occasion d’échanger avec lui lors d’une entrevue.
Quel est votre lien avec la mer?
J’ai grandi sur l’ile de Campobello, dans la baie de Fundy. Entouré d’eau et élevé dans un village de pêcheurs, mon rêve a toujours été d’en devenir un et d’être sur l’eau. J’ai eu mon premier bateau à l’âge de 13 ans et j’ai attrapé la piqûre pour la pêche. Lorsque j’ai enfin eu l’âge d’acheter un bateau commercial et de commencer le métier de mes rêves, il y eut l’effondrement de la pêcherie. Je savais que je voudrais toujours être sur l’eau et, par chance, l’industrie de l’observation des baleines a commencé à se développer à la même époque. J’ai travaillé dans ce secteur pendant 26 ans.
L’idée du sauvetage est née du fait que des baleines s’étaient empêtrées dans nos eaux et qu’il n’y avait personne pour s’en occuper. Certains d’entre nous, capitaines d’observation des baleines, pêcheurs et pêcheuses, sont donc sortis pour essayer d’aider. Nous n’avons pas eu beaucoup de chance, mais c’est là que tout a commencé. Nous avons commencé à travailler avec Pêches et Océans Canada, qui nous a fourni les outils appropriés et une embarcation de sauvetage. En tant que pêcheurs, nous sommes habitués à l’environnement marin et nous savons comment gérer les lignes sous tension. Et en observant les baleines pendant plusieurs étés, nous avons appris à connaitre leur comportement. Il s’est avéré que nous étions bien adaptés l’un à l’autre et que nous avons réussi à dépêtrer des baleines!
À quoi ressemble une de vos journées?
La majorité des journées sont passées au bureau à attendre un appel, qui arrive généralement au pire moment! La plupart du temps, on entretient le matériel et on essaie d’être prêts et prêtes à tout moment. Lorsque nous ne sommes pas en mission, nous avons nos programmes de sensibilisation et de formation. Nous faisons également la promotion de divers types d’engins de pêche sans corde afin qu’ils puissent être utilisés par les pêcheurs et pêcheuses. En ce moment, nous formons une équipe à Shippagan, mais le défi est le manque d’expérience, qui prend du temps à acquérir. Nous travaillons également avec une équipe dans l’estuaire (Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins). Nous essayons de mettre en place un réseau plus large afin de pouvoir intervenir plus rapidement. Cela pourrait prendre quelques années, mais nous travaillons à quelque chose de grand qui pourrait rendre le reste du monde jaloux.
Dès que nous recevons un appel, s’il est local, nous mettons le bateau à l’eau le plus rapidement possible depuis Campobello. Ces derniers temps, beaucoup d’appels proviennent du golfe du Saint-Laurent, au Québec. Il faut donc compter environ une journée de voyage. Chaque dépêtrement est différent, il est donc difficile de dire ce que nous devrons faire une fois sur place. Il s’agit en grande partie de saisir les cordages, où nous ajouterons de gros ballons pour essayer de fatiguer la baleine. Cela peut prendre des heures. Nous utilisons de longues perches munies de couteaux à crochets pour attraper les cordages et libérer les baleines. C’est drôle, mais pour les sauver, nous devons utiliser de vieilles techniques de baleiniers.
Je ne pense pas que les gens réalisent à quel point ce travail est difficile. On est sur l’eau, tout près de la baleine. On la dérange et elle essaie de s’éloigner de nous aussi vite que possible. Pendant ce temps, on a une longue tige de métal avec un couteau au bout et un bateau qui se fait percuter par les vagues. C’est très dur et très dangereux. Il faut travailler en équipe pour que tout le monde soit en sécurité.
Qu’est-ce que vous aimez chez les baleines?
Je suis toujours émerveillé lorsque je vois de si grandes créatures. Elles sont si puissantes, mais n’ont pas une once d’agressivité. Ce sont des créatures sauvages, les plus grandes qui soient, et vous êtes dans leur environnement, mais vous n’avez pas à avoir peur d’elles. Elles surgissent simplement et vous les observez. Mais tout ce qui les concerne est extraordinaire. La façon dont elles se nourrissent, dont elles nagent, dont elles chassent les poissons, tout cela est assez étonnant.
Après des années passées sur l’eau avec elles, on crée des liens de respect et d’amitié avec certains individus. Certaines baleines reviennent année après année, et je les vois grandir. Ce sont des créatures si intelligentes et fascinantes, qui apprennent aussi à reconnaitre certains bateaux. C’est comme si de vieux amis revenaient pour dire bonjour. Et pour le pêcheur qui réside en moi, libérer une baleine de ses cordes, c’est comme attraper le plus gros poisson de la mer!
Avez-vous une anecdote à partager?
J’ai tellement d’histoires à raconter que je n’arrive pas à en citer une seule! J’ai été stupéfait de constater le changement d’attitude à l’égard des baleines. Peut-être grâce à nos programmes de sensibilisation ou parce qu’elles font souvent la une des journaux, les pêcheurs et pêcheuses sont maintenant capables d’identifier les différentes espèces de baleines. Ce n’est plus « petite baleine » ou « grande baleine », ils peuvent dire de quelle espèce de baleine il s’agit. Même dans le secteur de l’observation des baleines, on respecte davantage les baleines. Les gens gardent leurs distances et ne les harcèlent plus comme avant. Je pense qu’à mesure que les gens apprennent à les connaitre, ils se soucient davantage d’elles. Cette relation que nous avons avec les baleines sera importante pour l’avenir du dépêtrement.
Le travail comporte aussi des hauts et des bas, c’est certain. Pour moi, le moment le plus mémorable d’une opération est celui où on réussit à libérer une baleine. Il y a un sentiment de fierté et d’accomplissement lorsqu’on voit la baleine nager en liberté. J’aime dire que l’on se sent tellement bien que l’on ne rentre pas chez soi en courant! J’ai l’impression que c’est ma façon de rendre à l’eau ce qu’elle m’a donné, et en fin de compte, j’ai même trouvé le travail de mes rêves.