Par Christine Gilliet
Un atelier à Paris a rassemblé des biologistes marins à l´UNESCO pour mettre en place ce programme sur dix ans. L´IQOE vise à acquérir des connaissances scientifiques sur la pollution sonore marine et ses impacts sur les organismes, et à coordonner les recherches à une échelle internationale. Il s’agit de combler les lacunes dans ce domaine encore méconnu et d’envisager des mesures pour limiter l’impact de ces nuisances sonores.
Cette réunion sur l’International Quiet Ocean Experiment (IQOE) s’est tenue à Paris du 30 août au 1er septembre 2011, au siège de l’UNESCO. Organisée par le Scientific Committee on Oceanic Research (SCOR) et le Partnership for Observation of the Global Oceans (POGO), elle vise à coordonner les recherches de la communauté scientifique internationale pour quantifier le paysage sonore des océans, ainsi que la relation fonctionnelle entre le son et les conditions de vie des principaux organismes marins.
Les séances plénières ont abordé les connaissances actuelles en acoustique océanique, sur les effets biologiques de l’exposition sonore, les technologies existantes et futures pour l’observation, la caractérisation et la modélisation des paysages sonores. Des sessions de discussion ont porté sur les systèmes d’observation et leur développement, les connaissances scientifiques nécessaires aux gouvernements, aux industries et aux approches expérimentales pour comprendre les réponses des organismes marins à des sources sonores spécifiques.
Les bruits anthropiques augmentent
Dans le champ des sciences de la mer, on dispose de peu de connaissances et de données concernant l’impact du bruit sur la vie marine. Depuis plusieurs décennies, le constat s’impose : le bruit généré par les activités humaines augmente et prédomine dans certaines régions du monde, étant directement relié à l’augmentation des activités industrielles dans les océans (trafic maritime, forages, levés sismiques, pêche commerciale, constructions, sonars actifs militaires). Les sons émis par de telles activités se répartissent dans une vaste gamme de longueurs d’onde, recouvrant les émissions sonores de nombreux animaux marins.
Si ces impacts sont difficiles à mesurer, on observe d’ores et déjà que certaines espèces manifestent des symptômes. En 2010, une étude menée par l’équipe de Christopher Clark de la Cornell University montre que les baleines franches de l’Atlantique Nord (Eubalanea glacialis) diminuent leurs vocalises et quittent même les secteurs les plus bruyants. Les résultats de la recherche dirigée par la Woods Hole Oceanographic Institution parue en mars 2011 dans la revue électronique PLoS One met en évidence les changements de comportement des baleines à bec lors d’exercices de sonars militaires: elles quittent la zone et réagissant comme si elles étaient en présence d’épaulards, leurs prédateurs naturels. De précédentes études sur les échouages de baleines lors de ces exercices, ont établi qu’elles présentaient des lésions internes, notamment au niveau des oreilles internes et des régions cervicales.
Étudier les impacts et les seuils d’adaptation
Si ces recherches s’intéressent jusqu’à maintenant essentiellement aux mammifères marins, une publication récente de travaux menés par Michel André, chercheur à la Universitat Politècnica de Catalunya, et publiés dans le journal de l´Ecological Society of America (ESA) démontre la présence de traumatismes acoustiques chez quatre espèces de céphalopodes exposés à des basses fréquences émises par des activités humaines.
Tous les aspects du mode de vie des mammifères marins dépendent de leurs organes acoustiques: détecter leurs proies et se nourrir, communiquer, se repérer dans l’espace. Les humains exposés au bruit s’adaptent en ayant recours à des moyens de protection et en évitant les zones nuisibles pour eux, mais qu’en est-il des organismes marins? Pourront-ils s’adapter? Seront-ils capables de se faire entendre par-dessus les bruits naturels de l’océan (tempêtes, vagues, séismes) cumulés aux bruits anthropiques? Et jusqu’à quel seuil?
Pour en savoir plus:
Sur le site de Futura-Environnement : Opération océan tranquille: dix ans pour mesurer la pollution sonore
Sur le site de Baleines en direct: Pollution sonore