Comme l’hiver dernier, j’ai troqué les côtes gaspésiennes pour celles du Pacifique, au Mexique. Jusqu’à maintenant, j’ai visité les états côtiers suivants : Nayarit, Jalisco, Michoacán et Guerrero. De la rive, j’ai la chance de pouvoir apercevoir des rorquals à bosse très régulièrement. Même s’ils viennent assez près, c’est toujours un peu frustrant de ne pas pouvoir les approcher comme j’ai la chance de le faire pour aider la recherche scientifique sur le Saint-Laurent.
Si les rorquals à bosse font partie de mon quotidien estival, je découvre ici un spectacle exotique : celui des tortues de mer.
Et quel beau spectacle que celui de centaines de bébés tortues s’élançant vers l’océan! Il s’agit de tortues olivâtres (Lepidochelys olivacea), en espagnol «tortuga golfina». C’est une des quatre espèces de tortues marines qu’on retrouve sur la côte pacifique mexicaine, avec la tortue verte marine qu’on appelle aussi tortue noire (Chelonia agassizii), la tortue luth (Dermochelys coriacea) et la tortue imbriquée ou à écailles (Eretmochelys imbricata).
La tortue olivâtre compte le plus grand nombre d’individus et est la plus grégaire, mais, de ce fait, elle est aussi la plus vulnérable. Sa population mondiale est estimée à 42 000 individus et elle serait en légère augmentation ces dernières années. Cependant, on considère toujours que cela ne suffit pas et elle et les autres espèces de tortues de mer sont considérées comme en danger d’extinction.
La première menace est l’humain lui-même, qui est son pire ennemi. De nombreux œufs de cette espèce sont volés pour consommation. On me raconte que certains locaux entrainent même leur chien à trouver les nids sur les plages durant la nuit afin de les braconner. Du Mexique à la Colombie, les œufs sont vendus comme produits de consommation humaine. À l’heure actuelle, bien que des lois interdisent de les récupérer, elles ne sont pas très efficaces. C’est culturel ici, me dit-on. Cependant, il est difficile d’évaluer les dégâts en raison d’autres facteurs, tels que la capture accidentelle dans les filets de pêche commerciale et la capture de tortues adultes pour le marché asiatique.
La pollution, la destruction et la transformation des écosystèmes naturels sur les plages où elles nichent menacent également la survie de l’espèce, particulièrement par la construction de nouveaux étangs d’aquaculture, de ports de pêche et d’installations touristiques. De plus, les villes touristiques se développent de plus en plus dans les zones de reproduction de ces tortues, en particulier sur la côte du Mexique. Ces impacts contribuent directement à la perte d’habitat de nidification.
Pour terminer sur une note positive, même si l’humain est un prédateur redoutable, il est aussi capable de donner un coup de main à la nature afin d’augmenter le niveau de survie de ces petites tortues. Il existe une quarantaine de programmes de conservation et de libération de tortues sur la côte mexicaine. Dans le petit village de Troncones, dans la région côtière du Guerrero, j’ai eu l’occasion de rencontrer Juan Carlos R.C., qui dirige un programme de libération de tortues. Le programme Ecologicos de Troncones (ECOT) consiste à récupérer les œufs de tortue après la ponte, sur les côtes où elles sont vulnérables et à les réensabler dans des enclos pour ainsi les protéger durant l’incubation.
Après environ un mois, l’exhumation et la mise à l’eau se font avec l’aide du public afin de les sensibiliser aux problèmes que rencontrent les tortues. M. Carlos considère que le taux de survie, grâce à leur intervention, passe de 3% à environ 22%, ce qui représente un coup de main non négligeable. Quand on voit ces petites bêtes rejoindre l’océan, on ne peut qu’avoir espoir.