Cette particularité étonnante vient d’être découverte chez ces grands cétacés qui engouffrent une énorme quantité de proies en une seule bouchée. Les nerfs joueraient un rôle clé dans la stratégie alimentaire des baleines à fanons et dans leur l’évolution vers des tailles gigantesques.
Ces nerfs peuvent plus que doubler en longueur quand le rorqual ouvre en grand sa bouche et reprennent leur taille à la fermeture de celle-ci. Cette élasticité des nerfs, un cas unique chez les vertébrés, vient d’être mise au jour par une étude menée par une équipe de chercheurs canadiens et étatsuniens, dirigée par A. Wayne Vogl. La publication a été mise en ligne dans la revue Current Biology, le 4 mai 2015.
Dans la mécanique de l’engouffrement
Parmi les mysticètes ou baleines à fanons, les rorquals (Balaenopteridae) sont des engouffreurs. Les deux plus grandes espèces de rorquals sont les rorquals bleus et les rorquals communs. Du rostre au ventre, les rorquals sont équipés de sillons longitudinaux qui permettent à leur bouche et à leur gorge de s’étirer considérablement en forme de ballon. Lorsqu’ils chassent, ils accélèrent par intermittence et ouvrent la bouche pour engouffrer des centaines de litres d’eau et de petites proies. Le volume d’eau peut même excéder celui du corps de l’animal. Leur mâchoire inférieure se trouve alors presque à la perpendiculaire du corps, comme si elle se décrochait, et la poche de la gorge vient à toucher l’abdomen. Selon les observations de la présente étude, les sillons ventraux peuvent augmenter de 162% dans la circonférence de la cavité de la bouche et de 38% dans leur longueur. Les rorquals expulsent ensuite l’eau pour ne garder que les proies qu’ils récoltent sur les fanons avec leur langue. Un rorqual commun peut effectuer plusieurs bouchées lors d’une plongée d’alimentation. Le temps moyen entre chaque bouchée est de 40 secondes.
Les auteurs de la présente étude ont trouvé ces nerfs dans les muscles et les tissus de la gorge et de la langue. Leur élasticité contribue et rend possible la mécanique de l’engouffrement. Les nerfs commanderaient la contraction musculaire pour expulser l’eau. Ils sont constitués de fibres d’élastine et de collagène, qui jouent respectivement un rôle extensible et de protection contre un étirement extrême et contre la rupture. Dans la publication scientifique et dans un article de la BBC, on voit l’étirement maximal d’un nerf de rorqual commun provoqué par les chercheurs: il passe d’une longueur de 14 cm à 34 cm.
D’un point de vue évolutif, cette capacité innovante à engouffrer d’énormes quantités de nourriture a conduit les rorquals vers l’obtention d’une taille colossale. Les nerfs extensibles ont certainement contribué à jouer un rôle déterminant dans cette adaptation.
Rappelons que d’autres espèces à fanons ne sont pas des engouffeurs à la capacité de gonfler leur gorge: ce sont des espèces écrémeuses ou des fouisseuses.
Photo: Un petit rorqual en train d’engouffrer à la surface. © GREMM
Source
Sur le site de Science Direct (en anglais seulement): Stretchy nerves are an essential component of the exteme feeding mechanism of rorqual whales
Pour en savoir plus
Sur le site de la BBC (en anglais seulement):
Big Whales have stretchy nerves to help them gulp
Sur le site de National Geographic (en anglais seulement):
Giant Whales Have Super-Stretchy Nerves
Sur le site de Baleines en direct: