Jeudi 4 janvier 2018, alors qu’une bombe météo touche le Québec, j’ai rendez-vous à 7h30 avec Oscar Guzon de Onca Explorations à Mazatlan, sur la côte pacifique mexicaine. Je séjourne dans cette ville depuis déjà une semaine, après avoir parcouru 5590 km depuis Pointe-au-Père, en Gaspésie. J’ai eu le contact d’Oscar Guzon par mon ami Christian Ramp de la Station de recherche des iles Mingan (MICS). Oscar a fondé en 2006 une station de recherche dont il a pris modèle sur celle du MICS, où il avait fait des stages comme interne au début des années 2000, dans le cadre de sa formation en sciences de la mer.

Je laisse mon vélo dans son bureau et nous partons avec sa voiture pour la marina à quelques kilomètres de là, où nous attendent son assistant Augustin et une quinzaine de clients pour une sortie aux baleines. Il est très difficile de financer une organisation de recherche sans l’aide de commanditaires, de bénévoles et la pratique commerciale de l’observation de baleines. Pour cette journée, il utilise donc deux embarcations (de type panga mexicaine) pour accommoder sa quinzaine de clients et effectuer ses recherches.

Nous partons pour le large après que Oscar (en anglais) et Augustin (en espagnol) ont donné une petite formation d’une trentaine de minutes sur leur travail et ce qui nous attend en mer.

Les eaux du Pacifique à cette latitude sont une aire d’accouplement pour les rorquals à bosse, qui y descendent après avoir passé leur été en alimentation au large des côtes étatsuniennes et canadiennes. Au large de Mazaltan, la côte est parsemée de petites iles sur lesquelles nichent en une autre période les oiseaux de mer.

À peine 3 ou 4 milles de parcourus vers le large que déjà nous apercevons les grands souffles et les caudales en l’air. Pour l’instant, seuls Oscar, Augustin et moi les apercevons, puisque les clients n’ont pas l’habitude d’observer les baleines et sont davantage occupés à se parler ou à regarder dans le bateau qu’à chercher sur l’horizon.

Nous observons une première paire de rorquals à bosse en même temps que nous voyons d’autres petits regroupements de deux ou trois individus un peu plus loin et à quelques endroits différents. On peut assister à deux séances de «breaching» qu’il m’est difficile de prendre en photo compte tenu de la distance, ainsi qu’une belle séquence de «tail slapping» et une autre tout à fait trop loin de «pectoral slapping».

Les rorquals à bosse semblent très actifs. Cependant, leur comportement est tout à fait différent de ce que je suis habitué à observer dans le golfe du Saint-Laurent. Les baleines sortent à la surface de façon très dynamique, elles ont une trajectoire assez aléatoire, leur plongée est de longue durée et leur séquence respiratoire est courte. Il est assez évident que ces baleines s’adonnent à autre chose que l’alimentation, qui, dans nos eaux, donne tout le contraire de ces observations.

Selon Oscar, qui étudie ce comportement de séduction, la femelle offrira ses faveurs sexuelles au plus séducteur, et surtout pas au plus agressif. Il compare les séances de séduction à celles des oiseaux. Le mâle ayant le plus d’expérience éloignera ses concurrents pour offrir à la femelle sa plus jolie parade et la sérénade la plus convaincante.

Le chant des rorquals à bosse en séance de séduction est très impressionnant, selon Oscar, qui utilise un hydrophone pour les écouter. Malheureusement, en cette journée d’intense activité de navigation, il y avait beaucoup trop de bruits parasites pour nous les faire apprécier. Quel effet ce bruit a-t-il sur la qualité de la sérénade? On peut se l’imaginer et des recherches tentent de le démontrer.

Finalement, nous aurons observé une douzaine de rorquals à bosse dans ce petit secteur en petits groupes de deux ou trois individus, sous un ciel d’un grand bleu et sans vent.

Pour terminer notre sortie, nous nous rapprochons de la côte pour observer sur une petite ile rocheuse une quarantaine d’otaries de Californie (California Sea Lions) se chauffant au soleil. Il semble que le rocher ne puisse en accueillir davantage et que les otaries opèrent une rotation afin qu’un maximum d’individus puisse en profiter. On assiste à quelques bousculades et échauffourées compte tenu de l’espace réduit et de la proximité de chacun.

Une autre journée extraordinaire dans l’univers de ces géants qui ne cessent de nous étonner!

Carnet de terrain - 8/1/2018

René Roy

René Roy est un cétologue amateur, passionné de la mer et des baleines, résidant à Pointe-au-Père, dans le Bas-Saint-Laurent. Depuis plusieurs années, il entreprend des expéditions de photo-identification pour le compte de la Station de recherche des iles Mingan (MICS), principalement en Gaspésie. Il est également bénévole pour le Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins.

 On peut voir ses photos sur Facebook

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