En Alaska, un groupe d’épaulards nomades capture chaque printemps les jeunes des baleines grises. Pendant quatre ans, des chercheurs ont observé ces superprédateurs qui s’attaquent à plus gros qu’eux. Après avoir tué leurs proies et mangé une partie, ils reviennent pour puiser dans les carcasses déposées sur le fond. Ce comportement de stockage est pour la première fois documenté.
L’équipe de chercheurs canadiens et états-uniens, conduite par Lance Barett-Lenard de l’Aquarium de Vancouver en Colombie-Britannique, a observé que les épaulards chassent leurs proies dans des profondeurs de 10 à 20 mètres. Une fois mortes, les jeunes baleines grises coulent et se déposent sur le fond. Les épaulards s’en nourrissent pendant quelque temps, partent et reviennent vers ce garde-manger après une ou plusieurs journées. Habituellement, les épaulards n’ont que quelques minutes pour manger leurs proies quand ils sont en eaux profondes, car ils ne sont pas de grands plongeurs et ne peuvent pas rejoindre les carcasses sur le fond de l’océan.
Un groupe d’épaulards bien particulier
Environ 150 épaulards se rassemblent au printemps près de l’île Unimak en Alaska, une des îles Aléoutiennes situées entre l’océan Pacifique et la mer de Béring, pour se trouver sur la route migratoire des baleines grises. Ces épaulards nomades font partie de la population qui évolue le long des côtes du Pacifique du Nord-Est, mais ce groupe apparaît comme isolé et distinct.
Chaque année, les baleines grises du Pacifique du Nord-Est quittent les eaux chaudes de Californie pour rejoindre leur aire estivale d’alimentation en mer de Béring et dans l’Arctique. Cette population, estimée entre 18 000 et 20 000 individus, s’est bien remise de la chasse intensive, et Lance Barett-Lenard pense que cette prédation ne semble pas l’affecter de manière menaçante.
Les mères se défendent de ces superprédateurs
Pendant un mois, les épaulards se nourrissent exclusivement des nouveau-nés et des jeunes d’un an. Ces jeunes sont quasiment de la même taille que les épaulards (environ 8,5 mètres pour environ 5 tonnes) et leurs mères mesurent une quinzaine de mètres pour environ 35 tonnes, soit près du double de la taille des leurs prédateurs. Pour leur échapper, les mères baleines grises se réfugient près du rivage dans des eaux peu profondes que les épaulards ne fréquentent qu’avec réticence. Ces baleines, dépourvues de dents et équipées de fanons, peuvent devenir très agressives envers les épaulards, les forçant à abandonner leurs attaques. Pour protéger leurs jeunes, elles les enserrent dans leurs nageoires pectorales. Les épaulards usent de différentes techniques pour séparer le petit de sa mère. Quand ils y parviennent, ils attrapent son rostre ou sa nageoire avec leurs dents et le noient.
Autour de l’île Unimak, les ours bruns profitent amplement des restes de cette chasse échoués sur le rivage ou flottant à la surface très près du bord, ainsi que les requins dormeurs qui se nourrissent des carcasses sur le fond. Leurs populations sont en très bonne santé.[Aquarium de Vancouver, The Vancouver Sun]
En savoir plus:
Sur le site de l’l’Aquarium de Vancouve (en anglais seulement) : Predation on gray whales and prolonged feeding on submerged carcasses by transient killer whales at Unimak Island, Alaska