L’équipe de recherche du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM) embarque à 7 heures tapantes sur le quai de Tadoussac. Elle est composée de quatre personnes : Michel, le capitaine, Mathieu le pilote de drone et l’assistante de recherche Estelle, ainsi que de Jade-Audrey à la prise de données et la photo-identification. Les mauvaises conditions dans l’estuaire poussent l’équipe à s’embarquer dans le fjord du Saguenay, où la brume s’est déjà partiellement engouffrée.
Marée descendante, brouillard ascendant
Nous observons rapidement notre premier contact. Quelques bélugas, se dirigeant vers l’amont du fjord, parsèment les eaux embrumées. Ils plongent parfois de longues minutes. Au sommet du bateau, sur la plateforme, Jade-Audrey note ce qu’elle observe et se charge de la photographie. L’assistante de recherche rentre certaines données directement dans l’application de la tablette numérique. Pour économiser du temps, les détails de la composition des groupes observés sont dits à voix haute et retranscrits en simultané sur la tablette. Elle doit aussi photographier les flancs gauche et droit des animaux.
La collecte de données s’effectue dans un rayon de 2 km, car on suppose que ces bélugas appartiennent à un seul et même troupeau. Jade-Audrey ajoute : « Pour les bélugas en dehors de la zone de 2 km, je prends en note leur présence selon la direction dans laquelle ils se trouvent ».
L’enjeu de la photo-identification
Avec son Nikon Z8 et sa lentille 100-400 mm, l’assistante de recherche pointe son objectif sur tous les bélugas qu’elle parvient à voir dans un rayon de 100 mètres. Son enjeu principal : essayer de photographier tous les bélugas présents aux alentours du bateau. Néanmoins, les bélugas sont souvent difficiles à reconnaitre lorsqu’ils ne présentent pas de marques particulières.
On fait attention à ne pas photographier les mêmes individus, mais les bélugas sont très mobiles et il est facile de les confondre. L’équipage leur donne parfois des surnoms temporaires pour distinguer les individus et suivre leurs déplacements.
Les bélugas dans l'œil de l'objectif
Les bélugas sont des baleines compliquées à photographier à cause de leur coloration pâle et changeante d’un individu à l’autre. Jade-Audrey doit donc constamment ajuster l’exposition pour éviter la surexposition des individus selon les changements dans la lumière. La brume est aussi à prendre en compte, car la mise au point de la caméra s’effectue moins bien.
L’éblouissement – ou « glare » – a rendu certaines zones inaccessibles au travail, car le reflet du soleil sur l’eau ne permet pas de bien voir les bélugas. L’assistante doit rester debout, sans bouger, avec tout l’équipement nécessaire : son VFS, son manteau, ses jumelles, son appareil photo (fort pesant), son casque d’écoute et le micro, et bien sûr la tablette pour prendre les données. Tout ça sachant qu’un seul contact peut durer parfois deux heures!
Un travail d’équipe
Elle communique constamment avec le capitaine pour lui dire quels individus elle a photographiés et lui indiquer vers qui il doit se diriger. Elle aide aussi le drone à s’orienter vers les individus qui n’ont pas encore été survolés, car elle possède une vue sur 360 degrés depuis sa tourelle.
Contrairement à l’estuaire, les bélugas dans le fjord sont plus restreints par la géographie et seront moins sujets à sortir n’importe où. Dans ce cas-ci, le troupeau rencontré était plutôt « facile à travailler », déclare-t-elle, car les individus se déplaçaient plutôt de manière prévisible.
Le contact terminé, le navire prend la direction du Cap à la Boule et de l’Anse-de-Roche, mais aucun béluga à l’horizon. Le vent se lève doucement, et l’Antarès fait demi-tour pour rentrer au quai à 10h30. Un petit contact, une petite journée, mais tout de même beaucoup de données à traiter!