La saison 2016 s’ajoute à la série noire des mortalités de bélugas du Saint-Laurent: 14 carcasses de bélugas ont été retrouvées et examinées. Ce n’est pas leur nombre, mais la composition des mortalités qui inquiète les scientifiques. Cette année, le tableau compte 8 adultes et 6 jeunes, soit 4 nouveau-nés et deux très jeunes dont l’âge devra être précisé par la lecture des dents cet hiver, mais dont la taille suggère qu’il s’agit de nouveau-nés ou de veaux d’au plus un an. Parmi les adultes, on a retrouvé 7 femelles dont une jeune femelle lactante qui avait donné naissance l’an dernier et une autre, qui avait mi-bas deux à trois semaines plus tôt, à en juger par la condition de son utérus.
Un tableau sombre
Le suivi des mortalités de bélugas fait l’objet d’efforts soutenus de la part d’un vaste réseau de collaborateurs depuis 1983. Lors d’une conférence à Tadoussac en août dernier, le pathologiste Stéphane Lair de la Faculté de médecine vétérinaire (FMV) de l’Université de Montréal présentait un bilan des 514 mortalités documentées, dont 319 nécropsies complétées en laboratoire.
Alors qu’au début des années 2000, on s’inquiétait de la prévalence des cancers chez les adultes – jusqu’à 27 % des mortalités était attribuable à des cancers, particulièrement ceux affectant le système digestif – depuis 2010, c’est l’augmentation de la mortalité des nouveau-nés et des femelles gestantes ou qui viennent de donner naissance qui alarme les chercheurs.
Selon le Dr Lair, plusieurs de ces mortalités sont liées à des complications qui surviennent autour de la naissance. Soit que la femelle est trop faible pour mettre au monde son jeune ou pour prodiguer les soins ou encore le baleineau est trop faible pour s’expulser ou pour survivre les jours suivants sa naissance. Il souligne aussi qu’un dérangement au moment de la mise bas pourrait avoir le même effet et les mêmes conséquences.
Les hypothèses avancées par la communauté scientifique pour expliquer les cas de mortalités sont diverses. Impossible pour l’instant de cibler une seule cause. On pointe le dérangement, la présence croissante des PBDE dans l’environnement, les conditions changeantes du milieu comme une fluctuation importante dans les stocks de hareng, consommé par le béluga, et les conditions de glaces moins optimales pour ces résidents annuels qui cherchent des conditions précises durant l’hiver.
Une population en voie de disparition
Le Gouvernement du Canada a officiellement annoncé en septembre dernier un changement de statut du béluga de l’estuaire du Saint-Laurent, passant du statut « menacé » à « en voie de disparition ». D’ailleurs, plus tôt ce mois-ci, dans le cadre des Rendez-vous Saint-Laurent 2016, la chercheuse Véronique Lesage de l’Institut Maurice-Lamontagne a rappelé les conclusions inquiétantes de ses recherches sur la population de bélugas: le dernier relevé de population fait état de moins de 900 bélugas et cette population diminue en moyenne de 1 % par année. Par rapport au changement de statut, Robert Michaud, président du Groupe de recherche et d’éducation sur les mammifères marins (GREMM) explique que concrètement, le niveau de protection du béluga ne sera pas élevé et était, comme espèce menacée, bien protégé par les lois actuelles. Toutefois, il estime que, politiquement, le fait de reconnaître que la situation du béluga s’est détériorée est un pas dans la bonne direction.
Les bélugas vont-ils disparaître? Pourquoi la population ne se rétablit pas? Ces questions ont été adressées récemment à Robert Michaud et Stéphane Lair; l’Agence Science-Presse publiait hier un texte Béluga en péril avec en ligne, les entrevues réalisées avec ces deux spécialistes des bélugas.
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