La découverte d’un fossile d’une baleine à bec (Messapicetus gragarius), datant d’il y a 9 millions d’années, révèle que cet animal s’alimentait plutôt en surface, alors que les espèces actuelles chassent dans les profondeurs, s’alimentant ainsi de calmars et de poissons jusqu’à plus de 1000 mètres. Ce fossile a été exhumé en 2014 dans le désert Pisco-Ica sur la côte ouest du Pérou par un paléontologue de l’Institut royal des Sciences naturelles de Belgique.

Cette espèce découverte était connue des paléontologues, mais c’est la première fois qu’on retrouve un spécimen fossilisé avec son contenu stomacal. Ce genre de fossilisation très rare ne peut que survenir si l’animal meurt peu de temps après avoir consommé son repas. Les poissons fossilisés autour de sa tête, de sa bouche et dans son estomac rappellent grandement la sardine de notre ère (Sardinops sagax), présente dans l’océan Pacifique. Cette espèce de sardine actuelle vit en grands bancs, près de la surface de l’eau. Possiblement, était-ce la même chose pour l’espèce fossilisée. Cette découverte suggère donc que la majorité des baleines à bec ancestrales n’avaient pas encore développé leurs adaptations pour chasser à plus de 1000 m de profondeur. L’étude est parue dans la revue scientifique Proceedings of the Royal Society B. en septembre 2015.

Les baleines à bec actuelles n’ont qu’une seule paire de dents, dont l’emplacement varie selon l’espèce, et que seulement les mâles en possèdent. Pour repérer leurs proies, elles projettent des ondes sonores dans l’eau, comme un sonar, et pour se nourrir, elles aspirent des calmars ou des poissons et les avalent tout rond. Les baleines à bec ancestrales possédaient plus d’une paire de dents, sans doute dû à des techniques d’alimentation différentes de celles observées aujourd’hui chez ces animaux nécessitant la préhension des proies avec les dents. Cette découverte supporte l’hypothèse que l’extinction de ces baleines à bec ancestrales coïncide avec la diversification des dauphins actuels, prédateurs de grands bancs de poissons en surface, apparue il y a environ 7 millions d’années. Partageant la même niche écologique que ces maîtres de la chasse en eaux peu profondes, les baleines à bec survivantes seraient plutôt celles qui possédaient déjà des adaptations à la chasse en eaux plus profondes. Ainsi, elles se distinguent des dauphins et la compétition entre les espèces est réduite.

Sources:

Sur le site de Proceedings of the Royal Society B (en anglais seulement): No deep diving: evidence of predation on epipelagic fish for a stem beaked whale from the Late Miocene of Peru

En savoir plus :

Sur le site de Science Mag (en anglais seulement) : Ancient whale fossilized with its last meal

Sur le site de l’Institut royal des Sciences naturelles: Un repas fossile éclaire sur l’évolution des baleines à bec  

Sur le site de Baleines en direct : La baleine à bec commune

Actualité - 23/9/2015

Camille Bégin Marchand

Camille Bégin Marchand a travaillé au GREMM de 2013 à 2018. Elle a commencé comme naturaliste au Centre d’interprétation des mammifères marins, mais son intérêt pour l’écriture scientifique l’a menée à travailler comme rédactrice pour Baleines en direct. Passionnée par la biologie et amoureuse de la région, elle fait aussi une maitrise en sciences de la forêt en collaboration avec l’Observatoire d’Oiseaux de Tadoussac.

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