Avec des dizaines de millions de tonnes de microplastiques déversées chaque année par notre consommation effrénée, on retrouve aujourd’hui plus de 140 millions de tonnes de déchets plastiques dans nos rivières et océans. Mais est-ce que le Saint-Laurent est tout aussi pollué?

Un article publié en 2025 par l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) nous donne le regard juste en mesurant la quantité de microplastiques dans le fleuve et les données sont claires : 100 % des 11 sites étudiés contenaient des microplastiques en quantités variables. Mais ce qui est étonnant, c’est que la concentration n’était pas plus importante près des grands centres urbains qui produisent la majorité des rejets plastiques. L’inverse a plutôt été mesuré. La concentration est plus grande plus bas dans l’estuaire où la population est bien moins nombreuse! Plongeons-nous dans l’univers de ces débris problématiques.

De Varennes à Trois-Pistoles

Les résultats sont partiellement encourageants. L’équipe a trouvé que la concentration de MP n’était pas statistiquement différente entre les divers sites étudiés, se trouvant en dessous de 100 PPML, ou particules de plastique par millions de litres. Sur des sites similaires dans des cours d’eau urbanisés en Chine, nous pouvons trouver des concentrations allant au-delà de 2 millions de PPML. Valérie S. Langlois, professeure à l’Institut national de la recherche scientifique au Centre Eau Terre Environnement, est d’accord : bien que les méthodes d’échantillonnage soient différentes, le Saint-Laurent est moins pollué aux microplastiques que d’autres cours d’eau comparables.

Cependant, des données surprenantes ont contredit les hypothèses de l’équipe de recherche. Puisque la majorité des rejets plastiques proviennent des milieux urbains, l’équipe prédisait que c’est dans leurs eaux avoisinantes qu’on retrouverait les plus hauts niveaux de contamination aux microplastiques. Au contraire, ce sont dans les milieux salins avec moins d’impacts humains que les niveaux de contamination étaient les plus élevés. Ceci serait causé par le niveau de salinité de l’eau qui a un impact direct sur la coagulation des plastiques entre eux et leur solubilité dans l’eau.

Les sites choisis pour l’échantillonnage couvraient des lieux affectés par la présence humaine, comme Québec et Trois-Rivières, et d’autres plus isolés, comme Montmagny et La Malbaie. La salinité variait aussi de site en site, allant des eaux plus douces de Varennes aux eaux salées de Trois-Pistoles. L’étude a échantillonné l’eau de surface sur les 11 sites choisis dans l’estuaire du Saint-Laurent à l’aide de deux différents filets de captation. Attachés au bateau de recherche, ces filets ont été passés dans l’eau à une profondeur de 40 cm pour capter 3 échantillons sur chaque site. Ensuite, les échantillons ont été analysés afin de trouver la quantité, la taille et le type des polymères détectés afin de comprendre la composition de ce qui se trouve dans nos eaux.

Et donc, est-ce que les baleines en mangent?

Avec la compréhension que les milieux salins sont plus propices d’avoir de hautes concentrations de microplastiques, on peut se demander : les mammifères marins qui vivent exclusivement dans ces eaux sont-ils plus propices d’en avoir dans leurs systèmes? Et quel impact ces contaminants ont-ils sur leur santé? Ces questions sont présentement difficilement résolues, mais de nombreuses recherches sont en cours à travers le monde. Ceci est le cas notamment à l’Université du Québec à Rimouski sous la direction du professeur en écotoxicologie, chimie environnementale et océanographie, Zhe Lu.

Les recherches actuelles sur les microplastiques montrent qu’ils ne semblent pas se bioaccumuler dans la chaine alimentaire. Ceci est différent d’autres contaminants tels que le mercure ou les pesticides qui se concentrent à travers l’alimentation des prédateurs. Il est donc peu clair si les microplastiques peuvent affecter disproportionnellement les prédateurs, tels que les baleines du Saint-Laurent. Or, avec de grandes quantités de microplastiques mesurées dans les excréments de baleines, il est facile d’imaginer qu’on en trouve dans leur alimentation. Et avec les nombreux impacts mesurés sur la santé des humains, cela ne peut définitivement pas être positif pour les mammifères marins.

Les données arrivent!

C’est un pas dans la bonne direction d’avoir conscience que le Saint-Laurent n’est pas à l’abri de la contamination aux microplastiques. Cependant, toutes les recherches sont en accord : on manque cruellement d’informations sur l’impact que ces plastiques peuvent avoir sur la faune marine.

En 2022, l’Université du Québec à Rimouski a eu un financement pour mener des projets de recherche sur l’impact des microplastiques, et selon le professeur Zhe Lu, les données arrivent! L’équipe a tout récemment publié un article sur l’impact des microplastiques sur les poissons benthiques. Elle travaille aussi sur la photodégradation des microplastiques, sur l’étude de risques de leur contamination et sur l’impact sur la chaine alimentaire du Saint-Laurent. Gardons un œil là-dessus!

Actualité - 26/6/2025

Benjamin Gagné

Benjamin Gagné a rejoint l'équipe du GREMM en tant que rédacteur scientifique lors de la saison d'été 2025. Passionné par la communication environnementale et la sensibilisation citoyenne aux divers enjeux reliés aux changements climatiques, il utilise l'écriture et le graphisme pour transmettre son amour pour les milieux naturels et la vie s'y trouvant. Étant en fin de baccalauréat en études de l'environnement, il s'attend à continuer à approfondir sa compréhension des comportements humains à la maîtrise l'an prochain.

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