Deux études scientifiques observent des transferts d’eaux du Pacifique Nord à l’Atlantique Nord en raison de la fonte de la banquise de l’Arctique. Qu’il s’agisse des plus petits organismes planctoniques ou des grands cétacés, ils suivent le mouvement, au détriment de l’écosystème local. Ces scientifiques parlent d’un mouvement majeur et de connexion planétaire.
Un tel mouvement date de plus de deux millions d’années
Le réchauffement des océans provoque le plus grand déplacement des espèces marines depuis plus de deux millions d’années, selon des scientifiques ayant collaboré au projet européen Climate Change and Marine Ecosystem Research. La fonte estivale de la banquise arctique observée depuis le début des années 2000 a favorisé le transfert des eaux, du plancton, des poissons et des mammifères marins du Pacifique Nord vers l’Atlantique Nord.
Les échantillonnages effectués dans l’Atlantique Nord depuis 70 ans ont révélé la présence d’espèces planctoniques vivant jusqu’alors seulement dans le Pacifique Nord. Une baleine grise du Pacifique a été observée en Méditerranée, mettant en évidence qu’elle a certainement emprunté le passage de l’Arctique, les baleines grises de l’Atlantique ayant disparu il y a plus d’une centaine d’années.
Selon ces scientifiques, les conséquences sont énormes, étant donné que la dernière incursion d’espèces du Pacifique vers l’Atlantique date de deux à trois millions d’années et qu’elle a provoqué l’extinction d’espèces de l’Atlantique. Ces espèces invasives, moins nutritives que les espèces locales, pourraient avoir un impact sur toute la chaîne alimentaire, des plus petits organismes jusqu’aux cétacés.
D’autre part, des espèces de l’Atlantique vivant dans les eaux chaudes subtropicales sont observées dans les eaux britanniques et scandinaves, telles que certaines méduses venimeuses et des algues.
Les eaux des trois océans du Canada à l’étude
Au Canada, le projet Les trois océans du Canada (C3O) mené depuis 2007 par le Dr Eddy Carmack, un océanographe de Pêches et Océans Canada, étudie les changements dans l’océan Arctique et dans les zones subarctiques voisines de l’océan Pacifique et de l’océan Atlantique. Des données à la surface de l’eau et dans les fonds marins du Canada ont été recueillies sur une distance de 15 000 km. « La banquise se retire et s’amincit. La glace est également plus libre, plus facilement poussée par le vent et entraîne dans son déplacement l’eau qui se trouve sous elle », affirme le Dr Carmack.
L’équipe a identifié et surveillé les phénomènes océanographiques affectant l’étendue de la banquise qui sont associés au flux d’eau provenant du Pacifique. La fonte de la banquise entraîne également l’accumulation de volumes croissants d’eau à faible salinité et d’eau acide dans le tourbillon océanique de Beaufort avec des conséquences biologiques majeures.
« Les 30 à 40 premiers mètres se réchauffent en raison de leur lien direct avec l’atmosphère, alors que la couche inférieure se réchauffe à cause des eaux plus chaudes provenant du Pacifique, indique le Dr Carmack. A une profondeur de 200 à 2 000 mètres, le réchauffement (de l’ordre de 0,5 °C) est le résultat du flux d’eau provenant de l’océan Atlantique alors qu’au fond de l’océan, il est attribuable au chauffage géothermique. Le système océanique de l’Atlantique change, mais son changement n’est pas isolé du reste du monde. C’est à ce moment que l’on parle de connectivité. »
Ce phénomène pourrait pousser les organismes de l’Arctique au-delà de leurs limites thermiques ou donner naissance à des communautés océaniques favorisant de plus petits micro-organismes. Le réchauffement de cette région peut également causer la rupture des barrières actuelles et l’invasion de nouvelles espèces dans les eaux arctiques.[The Telegraph, Pêches et Océans Canada]
Pour en savoir plus:
Sur le site de Telegraph (en anglais seulement) : Warming oceans cause largest movement of marine species in two million years