L’ambre gris, ce trésor mystérieux des profondeurs marines, a captivé l’imagination humaine depuis des siècles. Cette substance rare a traversé les âges et les cultures, stimulant curiosité et admiration. Dans cet article, nous explorerons les secrets fascinants de l’ambre gris, en dévoilant son origine, ses usages à travers l’histoire et les secrets qu’il continue d’entourer.
Ce produit curieux, souvent associé aux légendes maritimes et aux explorations océaniques, trouve son origine dans le monde fascinant des cachalots. L’ambre gris, avec sa richesse historique et son aura de mystère, a inspiré d’innombrables légendes et mythes, révélant ainsi la profondeur du lien entre l’humain et l’inconnu maritime.
Le cétacé mythique qui ne cesse de fasciner
Les cachalots sont connus pour leur régime alimentaire varié. Il leur arrive de consommer des aliments et objets non digestibles. Notamment, des études suggèrent que les becs des calamars très durs et pointus peuvent percer les parois du système digestif. Ces morceaux peuvent être expulsés directement par l’animal ou ils s’accumulent jusqu’à former une masse compacte – l’ambre gris -. La plupart des amas finissent par être évacués naturellement lors de la défécation. Cependant, lorsque ces matières fécales s’accumulent dans le rectum, elles peuvent entraîner une distension extrême, provoquant la mort du cétacé. C’est dans ces moments que l’ambre est libéré dans la mer, d’après les études du biologiste marin Robert Clarke qui s’est penché sur la substance pendant plus de 50 ans.
À l’intérieur de l’intestin, l’ambre gris est un liquide semi-visqueux et noir, doté d’une odeur forte et peu appréciée, caractérisé par l’odeur des excréments du cachalot. Une fois à l’extérieur du cachalot, exposée à la lumière du soleil et à l’air, la substance s’oxyde rapidement, se durcit et change de couleur, passant du brun au gris ou au blanc. Sa consistance est solide et friable, rappelant celle de l’argile sèche.
L’ambre gris nécessite un séchage de quelques mois afin que les odeurs de poissons et d’excréments se dissipent et que l’odeur ambrée s’amplifie. La transformation physico-chimique, le séchage de la substance par l’irradiation solaire, fait ressortir une odeur dite agréable, terreuse et musquée. Certains décrivent, également, l’odeur comme celle du tabac fin, du bois des vieilles églises, du bois de santal, de la marée, de la terre fraîche et des algues fraîches tout en rappelant une légère odeur animale. Clarke explique que l’odeur proviendrait de l’oxydation de l’ambréine catalysée par le cuivre dans l’ambre et qui serait d’origine de l’hémocyanine du sang des céphalopodes.
Robert Clarke a avancé que l’ambre gris se forme à partir de coprolithes, des excréments fossilisés, transformés au cours de la digestion dans le deuxième intestin du cachalot. Ce processus débute lorsque des masses indigestes, normalement évacuées par vomissement, traversent le duodénum. Lorsque ces masses bloquent l’intestin, la paroi intestinale absorbe l’eau, solidifiant progressivement la matière fécale par agglomération de couches supplémentaires. L’ambre gris résulte ainsi d’une sécrétion composée de bactéries intestinales, telles que Spirillum recti physeteris, et de substances provenant des organes de certains calamars.
L’étude de Clarke énonce que l’ambre gris est produit par les cachalots macrocéphales et pygmées, tout autant chez les femelles que chez les mâles. Ses conclusions reposent sur les échantillons collectés par les baleiniers durant la chasse au cachalot. Bien que le cachalot nain, qui consomme des calamars et présente une anatomie similaire, puisse également produire de l’ambre gris, les recherches à ce sujet restent limitées. D’autres cétacés, comme les globicéphales et les baleines à bec, consomment aussi des céphalopodes, mais aucune étude n’a confirmé la présence d’ambre gris chez eux.
« L’or flottant »
Bien avant que son origine ne soit connue, le commerce de l’ambre gris était déjà bien répandu. En raison de sa rareté et de ses propriétés uniques, son prix pouvait parfois dépasser celui de l’or!
En Chine 2 000 av J.-C., on croyait que c’était de la salive de dragon vivant sur les rochers des mers, bavant dans les océans. En 1491, une encyclopédie sur les plantes médicinales indiquait que l’ambre gris était de la sève d’arbre, une sorte d’écume de mer ou encore un champignon. En 1667, pas moins de 18 hypothèses différentes étaient avancées, affirmant que l’ambre gris pouvait être produit par divers animaux comme les phoques, les crocodiles, les oiseaux, et même d’autres créatures. La médecine arabe, au 10e siècle, supposait que la substance provenait d’une fontaine sous-marine. D’autres rapports enregistrés proposaient que la substance provenait d’un fruit, du foie d’un poisson ou même d’une pierre précieuse.
Au moyen âge en Europe, on portait des colliers qui contenaient des morceaux d’ambre gris, nommé pomander, car la substance avait des vertus contre la tristesse, qui elle engendrait la maladie. En même temps, durant la peste noire, il était également utilisé à des fins médicinales, on croyait que les mauvaises odeurs propageaient l’infection , les personnes les plus fortunées se promenaient alors avec de la pomander. En Chine, on l’utilisait contre les maladies respiratoires et comme stimulant sexuel. D’anciennes recettes mentionnent l’ambre gris comme un ingrédient essentiel, telles que la plus ancienne recette de crème glacée, le chocolat chaud de Marie Antoinette, et plus encore!
Le commerce de l’ambre gris était si important que des rapports du 16e siècle indiquent que des importations d’Asie vers l’Europe étaient parfois remplacées par la cire d’abeille, de la résine d’arbre ou des copeaux de bois d’aloès. Les personnes qui vendent et celles qui collectionnent la matière précieuse trouvaient ou achetaient souvent des quantités allant de minuscules caillou à des blocs de taille humaine, mais qui étaient en réalité des pierres, du caoutchouc, des éponges de mer, ou même des excréments d’animaux.
En 1820, des chimistes ont identifié l’ambréine comme le composé responsable de ses propriétés uniques. Aujourd’hui, des substances similaires à l’ambréine sont extraites de plantes ou produites en laboratoire pour divers usages. Cette évolution montre comment l’ambre gris, de sa confusion initiale à sa reconnaissance scientifique, a joué un rôle crucial dans l’histoire du commerce mondial et de la parfumerie.
Et finalement...!
Ce n’est qu’au cours de la chasse commerciale du cachalot, lors de l’ouverture des carcasses des cétacés, que les chasseurs découvrirent la provenance de la substance, élucidant enfin le mystère de sa véritable nature. Entre les années 1940 et 1970, malgré la chasse intensive de 300 à 700 cachalots par an, seulement une centaine de kilogrammes d’ambre gris furent récoltés, indiquant que seule une fraction de ces animaux produisaient cette matière précieuse.
Entre rare trésor naturel et commerce délicat
Aujourd’hui, l’ambre gris peut se vendre pour 25 000$ US par kilogramme. Les vendeurs contemporains affirment que cette substance est difficile à trouver, mais facile à vendre. Elle peut être trouvée sur n’importe quel site littoral où des cachalots sont présents.
Contrairement à d’autres produits de valeur, on ne peut ni extraire ni cultiver l’ambre gris, ce qui pousse les personnes qui vendent et celles qui collectionnent à explorer les côtes. Avant analyse, ils peuvent se retrouver avec des faux exemplaires comme de l’huile de palme solidifiée, des excréments de chiens ou d’autres déchets échoués sur les plages. De jeunes cachalots mâles rejoignent occasionnellement l’estuaire du Saint-Laurent, parfois même le Golfe, à la recherche de nouvelles aires d’alimentation durant l’été. Gardez l’œil ouvert; qui sait ce que vous pourriez trouver sur les côtes du Saint-Laurent!
Malgré l’avènement de substituts synthétiques, la demande pour l’ambre gris reste forte. En France, les parfumeries de prestige préfèrent encore cette substance naturelle. Au Moyen-Orient, elle est recherchée pour ses propriétés aphrodisiaques. Dans le sous-continent indien, elle est prisée pour ses utilisations dans la médecine ayurvédique.
Dans certaines régions, le commerce de l’ambre gris est illégal. Par exemple, aux États-Unis, les cachalots sont une espèce menacée, ce qui rend le commerce de l’ambre gris illégal en vertu de la loi sur la protection des mammifères marins et des espèces menacées d’extinction. En Inde, l’ambre gris appartient au gouvernement central et la vente non autorisée est prohibée. Toutefois, selon la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES), l’ambre gris échoué naturellement n’est pas considéré comme préjudiciable à l’animal, permettant ainsi sa commercialisation dans des pays comme le Canada, le Royaume-Uni et l’Union européenne.
Malgré sa valeur persistante sur le marché, l’ambre gris n’est plus objet d’études actives par les scientifiques depuis l’avènement des analogues synthétiques. Elle demeure désormais une curiosité biologique et chimique rare.