Le taux d´hormone dite du stress a été analysé dans les fèces des baleines noires de la baie de Fundy, en périodes de fort trafic maritime et de quasi-absence de navires. Plus la pollution sonore est importante, plus le taux est élevé. C´est à l´occasion des événements du 11 septembre 2001 que les chercheurs ont pu établir ce lien.

Dans les excréments d´une baleine noire, la présence de métabolites de glucocorticoïde témoigne qu´elle a réagi à une situation de stress entraînant chez elle des réactions physiologiques. Cette adaptation est salutaire quand elle est ponctuelle, par exemple quand elle permet d´échapper à un danger ou à un prédateur. Mais, un taux important de cette hormone sur une longue période ou de manière continue révèle une exposition à un stress chronique, avec des conséquences physiologiques multiples, dont une diminution des défenses immunitaires et des capacités de reproduction.

Une journée tranquille pour les baleines

Rosalind Rolland, l´auteure principale de l´étude publiée en ligne dans Proceedings of the Royal Society B. au début février 2012 (Evidence that ship noise increases stress in right whales), était sur l´eau, dans la baie de Fundy située au sud-est du Canada, le 11 septembre 2001, lors des attaques terroristes aux États-Unis. Elle raconte que le trafic a considérablement diminué et que le volume des émissions sonores émises sous la surface, dues aux hélices et aux moteurs des navires, a chuté de moitié.

Ce jour-là et les jours suivants, l´équipe de chercheurs a récolté à la surface des excréments de baleines noires ou franches de l´Atlantique Nord (Eubalanae glacialis) qui passent l´été dans la baie de Fundy pour s´alimenter. Ils ont poursuivi les prélèvements et les analyses les années suivantes, et jusqu´en 2005, à la même période estivale, et ont constaté que le taux de glucocorticoïde était plus important qu´en 2001. Une baisse d´hormone, telle que celle de 2001, saisonnière ou ponctuelle, n´avait jamais été observée chez ces baleines au cours d´études précédentes, et une autre cause environnementale a été écartée. En mettant en parallèle ces résultats avec la variation de la pollution sonore sous-marine, ils ont établi que l´exposition quotidienne au bruit provoque un état de stress chronique chez ces baleines.

Si les émissions sonores des navires sont si stressantes pour les baleines noires, c´est parce qu´une grande partie se situe dans une gamme de basses fréquences, entre 20 et 200 Hz, utilisées par les baleines pour communiquer entre elles, et qu´elles couvrent ainsi leurs vocalises. Pendant la réduction du trafic maritime due aux événements du 11 septembre, les scientifiques ont enregistré une diminution moyenne de 6 dB des nuisances sonores, et une forte baisse des émissions inférieures à 150 Hz.

Adaptation et physiologie

L´impact de la pollution sonore sur les cétacés est connu des chercheurs et touche d´autres espèces, notamment celles exposées aux détonations répétitives des sonars actifs militaires, des levés sismiques et des forages sous-marins pratiqués par l´industrie des hydrocarbures et la construction de ports ou de quais. Pour y faire face, certaines changent d´habitat ou modifient leurs vocalises en augmentant leur volume ou en abaissant la fréquence, comme c´est le cas des rorquals bleus dans le monde entier dont les tonalités sont de plus en plus graves depuis quelques décennies.

Cette étude démontre pour la première fois l´impact physiologique du stress chronique lié à la pollution sonore chez les baleines noires, une petite population de 490 individus en danger de disparition et présentant un faible taux de natalité. Une découverte primordiale qui présente aussi de nouvelles pistes de recherche pour d´autres espèces exposées aux nuisances sonores dans d´autres parties du monde. [Proceedings of the Royal Society B., Futura Sciences, Maxisciences, Environment & Energy News,The Guardian]

En savior plus

Sur le site de Futura Sciences : Les baleines sont stressées par le bruit des navires

Actualité - 16/2/2012

Christine Gilliet

Articles recommandés

Explorer les océans du passé grâce aux cétacés éteints

Bien avant que les baleines que nous connaissons et aimons nagent dans nos océans, de nombreuses créatures se cachaient dans…

|Actualité 11/11/2024

Il était une fois, le béluga du Saint-Laurent…

Résident à l’année dans le Saint-Laurent, le béluga suscite beaucoup d’admiration. Avec leur bouche sympathique toujours porteuse d’un sourire, les…

|Actualité 23/10/2024

Le rorqual de Rice, une espèce nouvellement découverte et déjà proche de l’extinction

Bien qu'il n'ait été découvert qu'en 2021, le rorqual de Rice est l'une des baleines les plus menacées au monde.…

|Actualité 3/10/2024