La diminution du couvert de glace observée dans le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent depuis quelques années a un impact sur la reproduction des phoques du Groenland et des phoques gris, qui mettent bas sur la banquise en hiver. En plus de les pousser dans leur retranchement et les amenant à se risquer dans de nouveaux endroits, ces déplacements forcent une cohabitation avec les humains qui n’est pas de tout repos.
Les phoques du Groenland sur la glace
Pour les phoques du Groenland, la mise bas est intimement liée à la présence de glace. «Pour cette espèce, il semblerait que la survie des jeunes soit pratiquement nulle lorsque la mise bas survient sur la terre ferme », précise Xavier Bordeleau, chercheur scientifique en écologie des pinnipèdes à l’Institut Maurice Lamontagne. Afin de trouver un endroit propice, l’espèce semble suivre la glace et peu à peu quitter le golfe. Une plus grande proportion des naissances a désormais lieu au large de Terre-Neuve et du Labrador, mais il y a tout de même encore des naissances dans le golfe. La survie des individus dépendra de la solidité de la glace et de s’il y a des tempêtes dans les prochaines semaines, ajoute le chercheur.
Chaque année, entre fin février et début mars, les femelles phoques du Groenland se réunissent par millier sur la banquise pour donner naissance. À peine entré dans le monde, le petit est maigre et pèse autour de 10 kg. Il est cependant protégé du froid par sa fourrure blanche, à qui il doit son nom de blanchon. Le petit profite ensuite d’un lait très riche en gras, lui permettant d’engraisser de 2 à 2.5 kg par jour. Sa mère l’alimentera pendant 12 jours et au moment du sevrage, le chiot, nom donné aux petits des phoques, pèse entre 30 et 45 kg. L’animal, doté d’une importante couche de gras, perdra alors sa fourrure blanche caractéristique pour adopter graduellement la fourrure des adultes : plus courte, argentée et avec des taches foncées. Une fois seul, le jeune restera sur la glace pendant 3 à 4 semaines en vivant de ses réserves avant de s’aventurer dans l’eau et de se nourrir de petits invertébrés.
Grands yeux, petit nez, tête disproportionnée… Les jeunes phoques cochent toutes les cases universelles du mignon qui nous conduisent à ressentir de l’empathie. Décrite pour la première fois par l’éthologue autrichien Konrad Lorentz, la réaction de notre cerveau envers des traits juvéniles semble instinctive. Les blanchons peuvent cependant être victime de leur fameuse frimousse adorable. Les humains peuvent vouloir s’en approcher ou tenter de leur venir en aide alors qu’ils sont parfaitement dans leur habitat naturel sur la glace ou sur les plages. Les exemples de célébrités ayant propagé de mauvais comportements n’ont pas non plus aidé la cause. Malheureusement, ces gestes, même bien intentionnés, ont des conséquences importantes sur la survie des phoques. Les dérangements peuvent occasionner un stress important ou encore un abandon du petit par la mère. En cas de fuite ou d’évitement de la part de l’animal, une partie de l’énergie essentielle à la survie est alors dépensée. En cas de tentative de remise à l’eau, un choc thermal est possible, particulièrement en période de mue où l’animal doit rester au sec.
S’adapter aux défis
La diminution du couvert de glace dans le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent a aussi un impact sur la mise bas des phoques gris. «La réponse comportementale aux mauvaises conditions de glace fut son adaptation à mettre bas sur la terre ferme, stratégie que l’espèce privilégie maintenant», explique Xavier Bordeleau.
Entre fin décembre et début février, les femelles mettent bas après une gestation de 8 mois. Une fois nés, les chiots sont allaités pendant une période de 16 à 17 jours. Cette période de la vie des animaux est critique : la femelle doit mettre bas et alimenter sa progéniture, en plus de survivre aux rudes conditions hivernales.
Si s’installer sur les rives est une solution de rechange pour les phoques gris, l’endroit n’est pas toujours propice. Les humains qui y circulent ne connaissent pas nécessairement ce comportement et s’inquiètent parfois pour les animaux. Les réflexes des bons samaritains improvisés vont du farfelu selfie avec l’animal aux mortelles tentatives de remise à l’eau. «On reçoit beaucoup d’appels pour ce type de cas, explique Patrick Weldon, coordonnateur du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins (RQUMM), et les conversations durent parfois jusqu’à 30 minutes. Il y a vraiment beaucoup d’éducation à faire sur les bons comportements à adopter en présence des phoques sur les rives. La meilleure manière de les aider, c’est leur donner amplement d’espace, et en cas de doute, rapporter l’observation au RQUMM.»
Les bons comportements à adopter avec les phoques
Vous voulez contribuer à protéger les phoques ? Voici quelques règles à respecter :
- Gardez une distance minimum de 100 mètres avec le phoque pour éviter de le stresser. En cas de doute, il y a toujours ce bon vieux truc : cachez votre œil avec une main et cachez l’animal grâce au pouce de votre autre main, en tendant le bras. Si l’animal est complètement caché, vous êtes à une bonne distance, mais si l’animal apparait derrière votre pouce, reculez, car vous êtes trop proche.
- Gardez vos animaux de compagnie en laisse, pour leur sécurité et celle du phoque.
- Si le phoque a des blessures visibles, s’il est dans un lieu encombrant pour les activités humaines ou si vous voyez des gens le déranger ou le manipuler, contactez le Réseau québécois d’urgence pour les mammifères marins au 1 877 722-5346. Des spécialistes établiront le meilleur plan d’action.