Les mammifères marins seraient plus gros que leurs plus proches parents terrestres afin de pouvoir supporter le froid des océans, affirment des chercheurs de l’Université de Stanford, en Californie et du Consortium marin des universités de la Louisiane.

Quatre lignées existantes de mammifères — Sirenia, Cetacea, Pinnipedia et Lutrinae — sont passées d’un mode de vie terrestre à un mode de vie aquatique il y a environ 20 à 50 millions d’années. La plupart de ces animaux sont plus gros, en moyenne, que leurs plus proches parents terrestres, mais dans quelle mesure les facteurs écologiques, biomécaniques et physiologiques ont-ils contribué à cette augmentation de taille? Une hypothèse communément évoquée est que la flottabilité de l’eau a libéré les mammifères aquatiques des contraintes de la gravité. Une étude publiée il y a quelques semaines dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America (PNAS) suggère plutôt que la vie dans l’eau imposerait une taille corporelle plus grande. En d’autres mots : la majorité des mammifères aquatiques n’aurait pas d’autres choix que d’être gros!

En utilisant des données sur la masse corporelle de 3 859 espèces vivantes et 2 999 espèces de mammifères fossiles, les chercheurs ont examiné l’évolution de la taille chez les mammifères aquatiques. Ils ont découvert que l’évolution vers un mode de vie aquatique a conduit relativement rapidement la majorité des mammifères aquatiques existants vers une masse corporelle s’approchant de 500 kg. Selon les chercheurs, le cout énergétique de la thermorégulation (c’est-à-dire l’énergie que doit utiliser l’animal pour maintenir sa température corporelle) prescrirait une taille minimale dans l’eau froide. En dessous d’une certaine taille, les mammifères marins aquatiques dépenseraient trop d’énergie pour se garder au chaud. Les animaux à sang chaud perdent en effet leur chaleur plus rapidement dans l’eau que dans l’air et une plus grande taille leur permet de mieux maintenir leur température corporelle.

Une étude suggère plutôt que la vie dans l’eau imposerait une taille corporelle plus grande. En d’autres mots : la majorité des mammifères aquatiques n’aurait pas d’autres choix que d’être gros!

Mais alors, pourquoi les mammifères aquatiques ne sont-ils pas tous gigantesques? Selon les chercheurs, un autre facteur imposerait une taille maximale : l’efficacité alimentaire. Plus on est gros, plus on doit manger et plus on doit être efficace pour s’alimenter! La taille optimale se situerait donc à une valeur intermédiaire, où les couts de thermorégulation sont faibles, mais l’efficacité alimentaire reste élevée.

Certains mammifères marins, les cétacés à fanons, ont cependant atteint une taille gigantesque et leur masse dépasse largement la « masse optimale » de 500 kg des autres mammifères aquatiques. Le rorqual bleu, en particulier, peut peser plus de 135 tonnes. Pourquoi les cétacés à fanons font-ils exception? Selon les chercheurs, un mode d’alimentation plus efficace permet probablement à ces animaux d’acquérir une taille plus imposante. En filtrant l’eau à travers leurs fanons, ces cétacés peuvent engouffrer plus de trois tonnes de plancton en une seule journée. Une plus grande bouche permet d’engouffrer une plus grande quantité, en dépensant un minimum d’énergie. Le modèle développé par les chercheurs n’explique toutefois pas l’absence actuelle de cétacés à fanons de plus petite taille. Le gigantisme extrême chez les baleines à fanons est un phénomène relativement récent, qui aurait commencé progressivement il y a environ 4,5 millions d’années, alors que ce mode d’alimentation (la filtration à l’aide de fanons) est probablement apparu il y a plus de 25 millions d’années. Selon une étude publiée l’année dernière, cette augmentation de taille chez les cétacés à fanons coïnciderait avec l’avènement d’une ère glaciaire, qui aurait modifié les courants de circulation océanique et dispersé les ressources en plancton en petites agglomérations éloignées les unes des autres. Une augmentation de taille aurait permis à ces baleines de stocker plus d’énergie afin de pouvoir parcourir de plus grandes distances.

Actualité - 18/4/2018

Béatrice Riché

Après plusieurs années à l’étranger, à travailler sur la conservation des ressources naturelles, les espèces en péril et les changements climatiques, Béatrice Riché est de retour sur les rives du Saint-Laurent, qu’elle arpente tous les jours. Rédactrice pour le GREMM de 2016 à 2018, elle écrit des histoires de baleines, inspirée par tout ce qui se passe ici et ailleurs.

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