Tanné d’entendre parler de Bm-Boom (Balaenopteramusculus, le nom latin du rorqual bleu)? Eh bien, pas moi, j’ai le plaisir de vous en parler une fois de plus.

Petite sortie de routine jeudi dernier, 30 aout, avec un ami globe-trotter rencontré au cours d’un voyage en Amérique du Sud. Mon ami de passage me taquinait depuis longtemps en me disant son scepticisme pour mes récits de baleines. Alors je l’ai invité à sortir au large avec moi pour lui faire observer cinq beaux rorquals bleus en quelques minutes dans un très petit secteur au large de la Pointe-à-Boisvert. Malheureusement, j’ai eu des problèmes d’embarcation qui m’ont limité dans l’approche de ces baleines. La qualité de mes photos en a souffert.

Très rapidement, nous avons aperçu de grands dos à l’horizon, à la grande surprise de mon ami. Nous nous sommes approchés lentement de deux individus nageant côte à côte en synchronisme. Pas de doute, cette première rencontre réunissait B275 Phoenix avec un baleineau… un de plus! Cette femelle montre régulièrement la queue en plongeant.

C’était ma cinquième observation de mère-veau rorqual bleu cette saison, et donc la septième au total dans le Saint-Laurent. On ne peut plus parler de hasard maintenant après ces sept rencontres exceptionnelles. C’est un phénomène jamais observé ici, dans les quarante années d’existence de la Station de recherche des iles Mingan, qui a très régulièrement travaillé dans ce secteur. Dans mes trois dernières sorties dans l’estuaire, j’ai rencontré chaque fois une femelle observée régulièrement dans le secteur avec leur baleineau, soit Jaw-Breaker le 11 aout, Pleiades le 16 aout et Phoenix le 30 aout. Toutes ces femelles allaitantes et celles observées antérieurement (B329B324 et B522) sont amaigries. Leurs vertèbres dorsales sont très saillantes lorsqu’elles plongent. C’est un phénomène normal pour une mère qui doit allaiter un baleineau qui grossit de 3 à 4 kg par heure durant les sept mois d’allaitement. Même si elle doit engouffrer 4 tonnes de krill par jour, cette quantité ne semble pas suffire pour maintenir le poids normal de cette femelle.

Après être restés avec eux un moment suffisant pour les photos-identification, nous sommes passés aux autres individus qui tournaient autour. Deux de ces bleues étaient des animaux que j’avais déjà rencontrés, soit les vieux mâles B120 et B184, et B475 que j’observais pour la première fois.

C’était ma sixième rencontre avec Phoenix depuis ma première en 2006, ma deuxième avec B120 et ma troisième avec B184 depuis ma première observation d’elle en 2004, donc des régulières du Saint-Laurent.

J’ai dû écourter mon séjour au large puisque le problème avec mon embarcation ne me permettait pas de naviguer à plus de 8 nœuds. J’ai donc mis deux heures trente pour revenir sur Rimouski, mais très satisfait de ma récolte.

Queue du rorqual bleu Phoenix
Le bord de fuite de la caudale de Phoenix est dentelé de façon caractéristique, et son bout de lobe droit est un peu replié. © René Roy
Le rorqual bleu phoenix et son veau.
Phoenix semble amaigrie par son allaitement, un phénomène observé chez les autres femelles accompagnées d’un petit. © René Roy
Le rorqual bleu b120
B120 © René Roy
Le rorqual bleu b184
B184 © René Roy
Le rorqual bleu b457
B475 © René Roy
La queue du rorqual bleu Phoenix
Phoenix fait partie des 14 à 18% des rorquals bleus qui montrent la queue régulièrement en plongeant. © René Roy
Carnet de terrain - 5/9/2018

René Roy

René Roy est un cétologue amateur, passionné de la mer et des baleines, résidant à Pointe-au-Père, dans le Bas-Saint-Laurent. Depuis plusieurs années, il entreprend des expéditions de photo-identification pour le compte de la Station de recherche des iles Mingan (MICS), principalement en Gaspésie. Il est également bénévole pour le Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins.

 On peut voir ses photos sur Facebook

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