Par Sami Jay Wagner-Beaulieu et Hugo Catineau, techniciens pilote de drone pour la brigade béluga rive sud

L’arrivée du temps froid et des feuilles orangées signifie la fin de notre saison avec les bélugas. Notre mission est d’espionner les bélugas grâce à un drone, dans le but de mieux comprendre la société des bélugas du Saint-Laurent. Elle nous a entre autres permis de documenter plusieurs scènes fascinantes dans les eaux entourant la montagne de Gros-Cacouna. Parmi celles-ci, il y a eu des scènes d’alimentation, de jeux entre jeunes, d’allaitement et même de comportements socio-sexuels.

Ces images, recueillies dans le cadre du projet Fenêtre sur les bélugas, ont été partagées en direct avec les visiteurs de l’observatoire des bélugas Putep ’t-awt, à Cacouna et aussi, à distance, aux visiteurs du Centre d’interprétation des mammifères marins (CIMM), à Tadoussac. Les coulisses de ce travail d’observations et de survol n’en restent pas moins exceptionnelles.

Laissez-nous donc vous guider à travers l’une de nos journées de travail sur la montagne.

Brigade bélugas de la rive sud travaillant pour le projet Fenêtre sur les bélugas à Putep ’t-awt site d’observation des bélugas de Cacouna

L’arrivée de la brigade

La brigade béluga, c’est ainsi qu’on nous appelle. Nos journées de travail débutent tôt le matin, soit au moment où nous arrivons à la guérite du port de Cacouna. Une fois le mot de passe entré dans le digicode, la barrière se lève graduellement et nous ouvre la voie vers la petite montagne de Gros-Cacouna. C’est une belle montagne façonnée par la rigueur des éléments, puis écorchée par la main industrieuse des êtres humains. Une fois levée, il est temps pour nous de franchir la barrière et de rouler sur la route cahoteuse pour atteindre notre lieu de travail.

Rendus au pied du Gros-Cacouna, nous sortons nos sacs du coffre de la voiture afin d’entamer l’ascension vers l’observatoire de Putep ’t-awt. Ce nouvel observatoire, de la Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk, permet à la fois aux touristes et aux scientifiques d’observer      les bélugas depuis le flanc de la montagne. C’est une fois arrivés et installés dans la section recherche du bâtiment que nous prenons, avec un œil attentif, le pouls des bélu-conditions du site. Ce jargon fait référence à la présence des bélugas dans la zone d’étude et aux conditions météo, soit le vent, la pluie et la brume, qui affectent la possibilité de faire voler des drones. Enfin, lorsque ces bélu-conditions sont bonnes, il est temps de préparer le vol!

CacounAir sur la piste de décollage

Ainsi, pendant que le pilote s’affaire à positionner le drone pour le décollage, le copilote commence à observer les animaux avec une attention particulière, puis à remplir feuilles de terrains et cartes de vol. Ces premières données permettront au copilote de décrire le troupeau, sa position, son comportement et de proposer un plan de vol au pilote. Lorsque celui-ci est accepté, les vérifications finales sont faites avant le décollage :

  • Batteries pleines? OK
  • Manette connectée? OK
  • Connexion aux satellites? OK
  • LiveU Solo allumé? OK
  • Avertissement de décollage aux naturalistes de Putep ’t-awt et du CIMM? OK
  • Enregistrement du vol? OK
  • Absence d’oiseaux de proie? OK

C’est alors l’heure du décollage avec CacounAir! La destination : les groupes de bélugas qui nagent dans les eaux turquoise au pied de l’observatoire. Le pilote, dirigé par son copilote, débute alors sa recherche des baleines blanches. Lorsqu’il les trouve enfin, il se positionne au-dessus d’eux pour filmer les individus aussi longtemps que possible.

Les vidéos enregistrées, nommées suivis focaux, permettront de récupérer une multitude d’informations. Parmi celles-ci, il sera possible d’en connaitre davantage sur l’âge et le sexe des bélugas observés ainsi que leur utilisation du secteur et les comportements qu’ils y tiennent. Ces mêmes vidéos permettront également de déceler des taches, cicatrices ou malformations pour tenter de distinguer les bélugas entre eux. Elles offriront donc une multitude d’informations ayant une grande valeur pour le Projet Béluga Saint-Laurent  du GREMM et la conservation de ces animaux emblématiques du Saint-Laurent.

Après 25 minutes, il est déjà temps d’atterrir et de changer les batteries. Le copilote garde le contact avec le troupeau pendant que le pilote s’occupe de son petit aéronef télépiloté et de l’atterrissage, sous les acclamations des visiteurs et des visiteuses. Et c’est reparti pour un nouveau vol! La matinée est très propice au vol : tant qu’il y a des bélugas dans la zone et que nous n’avons pas dépassé le nombre limite de vols autorisé par notre permis de recherche de Pêche et Océans Canada, nous continuons. Cette limite est de 3 vols par groupes de bélugas à une altitude de 25 mètres, ce qui laisse une certaine marge de manœuvre pour la prise de données.

La paperasse de fin de vol

Une fois que les bélugas ont quitté la zone d’étude et que les vols de la journée sont terminés, il est temps de retourner dans notre bureau saisir les données. Cela consiste à reprendre les observations de la journée et les répertorier dans la base de données : le nombre d’individus, leur répartition dans la zone d’étude, leur dynamisme, autant de données nous permettant de mieux connaitre et comprendre leur utilisation du territoire face à l’observatoire de Cacouna. Aussi, les photos et vidéos du vol sont récupérées et répertoriées sur nos supra-disques durs. La révision des vidéos permet ensuite de les annoter. Nous profitons de l’absence des bélugas pour toutes les activités de bureau.

Cependant, un béluga peut pointer le bout de son évent et nous faire redécoller dans la minute! Une surveillance constante est donc de mise.

Le départ de la brigade

Le soleil glissant lentement derrière le massif de Charlevoix indique l’arrêt de la journée de travail sur la montagne de Gros-Cacouna. Après plusieurs heures passées à piloter et récolter des données, le site est nettoyé et le matériel rangé en prévision des prochaines journées. Nous fermons ensuite la porte de notre bureau, puis nous descendons la montagne en faisant le point sur cette autre belle journée de travail qui se termine.

 

Hugo Catineau et Sami Jai Wagner-Beaulieu  

Sami et Hugo forment la brigade béluga de la rive sud, engagés par le ROMM, et sont détenteurs du permis de drone avancé deTransport Canada.      
Ils participent, avec deux autres brigades déployées à la BaieSainte-Marguerite dans le Saguenay et sur Antarès, le bateau de recherche du GREMM, au projet de recherche Fenêtre sur les bélugas.

RAPPEL interdiction de drone dans le parc et au-dessus de mammifères marin 

À noter qu’il est strictement interdit de faire voler des drones au-dessus des mammifères marins au Canada et sur l’ensemble du parc marin du Saguenay–Saint-Laurent. Le GREMM détient des permis pour ses activités de recherche délivré par Pêches et Océans Canada, de Parcs Canada et de la Sépaq : QUE-LEP-015-2024, SAGMP-2024-45891 et PNFS-2024-006, PNFS-2024-06-07.

Carnet de terrain - 3/10/2024

Collaboration Spéciale

Articles recommandés

À la recherche de mammifères marins au Cap-Breton

En septembre, je suis partie à la découverte de l’ile Cap-Breton. Cette région de la Nouvelle-Écosse est bien connue pour…

|Carnet de terrain 11/12/2024

Cap sur le fjord du Saguenay avec Antarès

Mardi 27 août, 8h00. J’ai rendez-vous au laboratoire de l’équipe de recherche du Groupe de recherche et d'éducation sur les…

|Carnet de terrain 17/10/2024

Comprendre les effets des conditions physiques et chimiques de l’eau sur les bruits sous-marins

Par : Sarah Duquette, technicienne en gestion des ressources à Parcs Canada Aujourd’hui, mon réveille-matin a sonné à 5h30 et,…

|Carnet de terrain 3/9/2024