Depuis deux ans, cinq carcasses de femelles portant un veau à terme ont été trouvées. Ce nombre, faible en apparence, alerte les chercheurs, d´autant plus que très peu de veaux ont été observés cet été dans l´estuaire. Si ce phénomène inexpliqué devenait chronique, l´état de cette petite population déjà fragile pourrait s´aggraver.
Le constat a été établi par la Faculté vétérinaire de l´Université de Montréal à Saint-Hyacinthe. Depuis 1983, les carcasses de bélugas trouvées sur les rives du Saint-Laurent y sont acheminées de manière systématique afin que les pathologistes effectuent des nécropsies pour trouver les causes de la mort.
« Nous avons eu cet été trois femelles qui n´ont pas pu mettre bas avec des veaux qui étaient à terme, une situation qui correspond aux observations de terrain où on n´a pas vu beaucoup de veaux cet été dans l´estuaire. Il y a probablement un lien entre les deux. C´est nouveau et ça m´inquiète. Même si c´est un petit nombre, je pense qu´il se passe quelque chose. Nous sommes en cours d´investigation », a déclaré le Dr Stéphane Lair de la Faculté au journal Le Soleil. « Le recrutement des bélugas pourrait être remis en cause si ce problème devient une tendance. Mais sur une couple d´années, la population peut s´en remettre. »
Sur le terrain, très peu de veaux cet été
En effet, l´inquiétude de ce vétérinaire rejoint celle des biologistes du Groupe de recherche et d´éducation sur les mammifères marins (GREMM ) à Tadousac: deux veaux (âgés de moins d´un an) seulement ont été observés dans l´estuaire pendant la saison estivale d´observation, contre une moyenne d´un ou deux veaux observés par jour habituellement.
« Ces deux signaux sont pour l´instant difficiles à interpréter. Il va falloir regarder ce qui va se passer au cours des prochaines années », déclare Robert Michaud, directeur scientifique du GREMM et spécialiste des bélugas du Saint-Laurent depuis 25 ans.
Stéphane Lair participera ce mois-ci à un atelier de travail en Suède sur les problèmes de reproduction des animaux sauvages en mer Baltique. « Il semble y avoir des problèmes de reproduction chez certaines espèces qui seraient dus à des changements dans des écosystèmes. Ce sera intéressant de comparer nos observations. »
De quoi meurent les bélugas?
La population des bélugas du Saint-Laurent est estimée à 1 100 individus, ceci depuis 20 ans. Et c´est bien cette stabilité qui préoccupe les chercheurs. Pourquoi n´augmente-t-elle pas depuis l´arrêt de la chasse et alors qu´aucun prédateur ne vient exercer de pression sur elle?
Avec une moyenne de 15 individus, le nombre annuel de carcasses rapportées est également plutôt stable depuis 25 ans. Le diagnostic de maladie infectieuse représente 38 % des cas de mortalités, le cancer 15 % et 30 % des bélugas meurent de cause inconnue. Parmi les veaux, 58 % seraient morts lors de la mise bas. Chez les juvéniles, 81 % meurent de maladies infectieuses.
Le béluga accumule dans ses tissus graisseux des polluants persistants rejetés dans le Saint-Laurent, tels les BPC, le DDT et le mirex. Il est également reconnu que la plupart de ces contaminants sont immunosuppresseurs, ce qui peut rendre certains individus plus vulnérables aux infections.
En 1983, le Comité sur le statut des espèces menacées de disparition au Canada (COSEPAC) a attribué le statut « en voie de disparition » à la population de bélugas du Saint-Laurent. En 2004, il a été changé pour « menacée » en raison de nouveaux critères quantitatifs de classification.
Quant à la méthode de calcul de l´âge des bélugas, révisée en 2008, elle est toujours basée sur le nombre de couches de croissance dans une dent, mais chaque couche correspond à une année de vie: la longévité du béluga est désormais estimée à 70 ans.
La femelle peut donner naissance à un veau tous les trois ans. La mort d´une femelle est significative pour une population menacée ayant atteint un seuil critique.[Le Soleil]
Pour en savoir plus:
Sur le site du Soleil : Les bélugas du Saint-Laurent en danger?