Une étude publiée ce mois-ci par l’Institut Maurice Lamontagne de Pêches et Océans Canada dévoile que des changements importants s’opèrent dans le Saint-Laurent: les eaux profondes continuent de se réchauffer et le couvert de glace en hiver se fait plus faible. Quelles seront les conséquences de ces tendances pour les mammifères marins du Saint-Laurent?

Le couvert de glace observé sur le Saint-Laurent en 2016 était le troisième plus faible en presque 50 ans, nous révèle cette étude. Dans les sept dernières années, le Saint-Laurent a connu cinq de ses couverts de glace les plus faibles depuis 1969. Selon Peter Galbraith, chercheur en océanographie physique à Pêches et Océans Canada et un des auteurs de cette étude, le réchauffement climatique serait en cause.

« En moyenne, 1 °C plus chaud, c’est un couvert de glace qui dure deux semaines de moins, donc si on se projette dans un futur, par exemple, de 2,5 °C de plus chaud en hiver, ça nous dit qu’on va avoir cinq semaines de moins de couvert de glace », mentionne le chercheur en entrevue à Radio-Canada.

Quant à la température des eaux profondes, à 250 et 300 mètres, les données moyennes du golfe en entier continuent d’augmenter et sont à des niveaux records centenaires. Dans l’estuaire du Saint-Laurent, les chercheurs ont aussi enregistré une température moyenne record de 8,3 °C dans les eaux de surface de mai à novembre. C’est la température la plus chaude enregistrée en 30 ans de données.

Ces tendances vont certainement avoir des répercussions sur certaines espèces, en modifiant leur habitat et en affectant leurs ressources alimentaires.

Les mammifères marins présents dans le Saint-Laurent pendant l’hiver — le béluga, le phoque commun, le phoque du Groenland, le phoque gris et d’autres espèces à l’occasion — utilisent le couvert de glace comme garde-manger et comme refuge. La prolifération d’algues sous la glace attire le zooplancton et, conséquemment, les poissons. Les mammifères marins peuvent donc s’alimenter sous les glaces et se mettre à l’abri du vent et des intempéries. Les bélugas semblent préférer la glace libre avec des couverts de 70 % à 90 %.

Dans différentes parties du globe, notamment dans l’océan arctique et l’océan austral, une diminution du couvert de glace semble être bénéfique, du moins à court terme, pour certains grands cétacés comme le rorqual à bosse et la baleine boréale. La diminution du couvert de glace permettrait à certaines populations de cétacés de rester plus longtemps dans leurs zones d’alimentation et même d’explorer de nouvelles zones d’alimentation auxquelles elles n’avaient pas accès auparavant. Certains cétacés bénéficieront-ils de la réduction du couvert de glace sur le Saint-Laurent?

Plusieurs mammifères marins du Saint-Laurent sont des espèces migratrices qui viennent s’alimenter dans cette région pendant l’été. L’augmentation de la température des eaux influence non seulement le couvert de glace, mais aussi l’abondance des proies consommées par ces espèces migratrices, dans le Saint-Laurent, mais aussi ailleurs sur leurs routes migratoires. En conséquence, ces mammifères marins modifieront-ils leurs périodes de migration, leurs routes migratoires ou leurs aires estivales et hivernales?

Beaucoup de questions demeurent sans réponse concernant les répercussions de ces tendances sur les mammifères marins du Saint-Laurent. « La diminution du couvert de glace et le réchauffement auront des effets variables sur les différentes espèces de mammifères marins du Saint-Laurent qui sont difficiles à prévoir pour plusieurs d’entre elles, et qu’il sera nécessaire de documenter », souligne Véronique Lesage, chercheuse scientifique à l’Institut Maurice-Lamontagne. Une chose est certaine, le Saint-Laurent subit présentement des changements rapides et les espèces qui y vivent feront face à de grands défis d’adaptation.

Actualité - 31/1/2017

Béatrice Riché

Après plusieurs années à l’étranger, à travailler sur la conservation des ressources naturelles, les espèces en péril et les changements climatiques, Béatrice Riché est de retour sur les rives du Saint-Laurent, qu’elle arpente tous les jours. Rédactrice pour le GREMM de 2016 à 2018, elle écrit des histoires de baleines, inspirée par tout ce qui se passe ici et ailleurs.

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