Des balises ont été posées sur des anguilles pour suivre leur migration dans l’Atlantique Nord. Pour trois d’entre elles, leur voyage s’est terminé dans l’estomac d’une baleine à dents, ce qui a livré des données très intéressantes.
Dans le cadre du projet de recherche européen Eeliad (European Eels in the Atlantic: Assessment of Their Decline), des scientifiques ont installé des balises miniatures sur 156 anguilles communes adultes (Anguilla anguilla) avant de les relâcher au large des côtes occidentales de France et d’Irlande, en 2009 et 2010. Leur objectif était de documenter et mieux connaître le comportement migratoire de ces poissons qui passent leur vie dans l’eau douce et dans les eaux salées de l’Atlantique Nord.
Mangée avec l’anguille
Ces deux types de balises, d’une taille variant de 12 cm pour un diamètre de 33 mm à 14 cm pour un diamètre de 11 mm, enregistrent et transmettent la température et la profondeur dans laquelle les anguilles évoluent. Mais après une période allant de 25 à 156 jours, trois de ces balises ont transmis des données surprenantes: la température a subitement augmenté, passant de 10 °C à 36 °C, et le profil des plongées a changé, la balise quittant les profondeurs de 300 à 1 000 mètres pour des remontées répétées régulièrement vers la surface.
Les résultats de l’étude dirigée par le biologiste marin suédois Magnus Wahlberg ont été publiés dans la revue Deep Sea Research et mis en ligne le 22 janvier 2014. En analysant ces données, les chercheurs en ont déduit qu’il était plus que vraisemblable que trois anguilles et leur balise aient été mangées par un mammifère marin, très probablement une baleine à dents. En effet, les mammifères marins ont une température corporelle de 37 °C et doivent remonter à la surface pour respirer. Seuls certains odontocètes ou baleines à dents mangent des proies pouvant atteindre 1,50 m de longueur comme les anguilles adultes. Les mysticètes ou baleines à fanons se nourrissent de plancton et de petits poissons de très petite taille.
Les baleines à dents prédatrices de ces anguilles sont également des plongeuses en eaux profondes. Les enregistrements très précis et détaillés de deux balises rapportent un nombre total de 91 plongées atteignant des profondeurs maximales de 250 à 860 mètres pour des durées de 11 à 12 minutes, alternant avec des séquences en surface de 5 à 7 min. Plus de deux tiers des plongées comprennent une descente rapide à environ 500 m jusqu’à 600 et 700 m.
Pendant les plongées, la température enregistrée par la balise diminuait — ce que les chercheurs attribuent certainement à la présence de proies et d’eau dans l’estomac de la baleine — et remontait lors des périodes passées en surface.
Quel prédateur?
Dans l’estomac de carcasses de baleines à dents, les anguilles sont très rarement trouvées. Les espèces susceptibles d’avoir mangé les anguilles de la présente étude peuvent se compter par dizaines parmi les phoques, les delphinidés, les baleines à bec et les cachalots.
Le fait que la prédation ait eu lieu dans la zone mésopélagique de l’océan qui comporte des profondeurs supérieures à 3 000 m apporte aux chercheurs un élément déterminant pour poser une hypothèse, car les mammifères marins à dents ne sont pas tous capables d’aller dans de telles profondeurs. Selon eux, le prédateur de ces anguilles serait un globicéphale (Globicephala macrorhynchus), appelé aussi baleine pilote, d’après les caractéristiques des plongées et du régime alimentaire de cette espèce qui se nourrit essentiellement de calmars.
Source:
Sur le site de ScienceDirect (en anglais seulement):
Evidence of marine mammal predation of the European eel (Anguilla anguilla L.) on its marine migration
Pour en savoir plus:
Sur le site de Wikipédia :
L’anguille d’Europe
Sur le site de Baleines en direct :
La plongée
La thermorégulation