La semaine dernière, Urgences Mammifères Marins a reçu plusieurs appels pour deux bélugas mal-en-point près du site d’observation de Pointe-Noire, à l’embouchure du Saguenay et devant le Centre de découverte du milieu marin (CDDM) aux Escoumins. Dans les deux cas, des observateurs ont rapporté des animaux immobiles se maintenant près de la surface pendant de longues périodes.
La vue d’un animal malade ou blessé laisse peu de gens indifférents. Un de nos réflexes naturels est de vouloir aider. Ce n’est toutefois pas toujours possible et ce n’est peut-être pas toujours souhaitable. Cette question difficile se retrouve au centre des préoccupations des partenaires du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins. Lors de sa formation en 2004, le Réseau a adopté un cadre éthique sur lequel il s’appuie pour guider ses choix d’interventions. Ce cadre est dans son ensemble peu interventionniste, c’est-à-dire qu’il propose de laisser la nature suivre son cours et d’intervenir le moins possible dans les processus naturels. Le cadre éthique adopté par le Réseau propose par contre de mettre en œuvre des interventions, si cela est possible, dans les cas où l’incident peut avoir une cause humaine directe telle que les prises accidentelles dans les filets de pêche par exemple. On tentera également des interventions s’il est jugé que cela pourrait aider le rétablissement d’une espèce ou une population en péril.
Dans le cas des bélugas mal-en-point observés dans le parc marin la semaine dernière, des équipes de Parcs Canada et du Groupe de recherche et d’éducations sur les mammifères marins (GREMM) ont été dépêchées sur place pour documenter la situation. On s’intéresse particulièrement à identifier les individus, leur condition et les causes potentielles de cette condition. Ces observations sont ensuite partagées avec les vétérinaires partenaires du Réseau pour convenir de la conduite à adopter.
Le béluga de Pointe-Noire a été observé deux jours consécutifs, se tenant sur place près des rochers et plongeant très peu. Les photos recueillies par l’équipe du parc montrent une bosse spectaculaire sur le dos de l’animal, juste derrière sa tête. Hématome, abcès ou tumeur? Difficile à dire sans un examen des tissus, commentera Stéphane Lair de la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal en examinant les photos qui lui ont été soumises.
Le béluga du CDMM présentait une condition pas moins spectaculaire: une émaciation prononcée et une déviation majeure de la colonne vertébrale. Les images recueillies par drone par l’équipe du GREMM montrent que l’animal utilisait très peu sa queue et plongeait très difficilement. Encore une fois, sans un examen des tissus, il sera difficile de poser un diagnostic. Pour Stéphane Lair et Pierre Yves Daoust, un collègue de Stéphane Lair travaillant au Atlantic Veterinary College de l’Université de l’Ile-du-Prince-Édouard, la déviation n’est probablement pas congénitale, mais plutôt d’origine traumatique. Malgré l’absence apparente de cicatrice, un coup porté par un prédateur, un autre béluga ou un bateau aurait pu causer une fracture et cette déviation de la colonne. Selon les deux vétérinaires, les chances de survie de cet animal sont extrêmement faibles et nous ne pouvons pas lui venir en aide.
Malgré les options d’interventions limitées, ces observations sont d’une grande valeur pour le suivi de la population des bélugas du Saint-Laurent. C’est pourquoi Urgences Mammifères Marins répond rapidement et efficacement aux appels reçus au 1-877 7baleine (1-877-722-5346) et ce 7 jours sur 7, 24 heures sur 24, à l’année. Votre collaboration est précieuse!