Cette semaine, nous laissons la parole à Alexandre Bernier-Graveline, candidat à la maitrise en bioaccumulation et effets des contaminants environnementaux sur la population de béluga de l’estuaire du fleuve Saint-Laurent à l’UQAM, sous la direction de Jonathan Verreault. Il nous a accompagnés en mer les deux dernières semaines, pour récolter le gras des biopsies.
Le secret est dans le gras
Septembre est déjà bien avancé, le froid s’installe à Tadoussac, ce qui n’empêche pas ma maitrise d’avancer. Le début de mon projet me mène à naviguer à bord du Bleuvet à la recherche de bélugas sous la surface des eaux turbides du parc marin Saguenay–Saint-Laurent. Mon objectif est simple : mieux comprendre l’impact de la pollution chimique sur la population de bélugas de l’estuaire du fleuve Saint-Laurent. Pourtant, cela me demandera deux ans de lectures, d’études, d’analyse, de rédaction, de révision et de collaboration afin d’y voir plus clair.
L’intérêt de mon projet est spécifique au gras du béluga. Cette masse grasse est en fait un mélange de nombreux acides gras (des molécules de longueur variable composée principalement de carbone, d’hydrogène et d’oxygène) qui se regroupent afin de former le tissu adipeux, soit des réserves énergétiques. On suppose que l’animal pourrait potentiellement adapter son métabolisme aux contaminants qu’il intègre dans son corps, en échangeant certains acides gras pour d’autres et ainsi faire face aux changements induits par la pollution.
Ma collaboration avec le GREMM me permet de joindre leur équipe de recherche afin de récolter par biopsies des échantillons de peau et de gras. Pour cela, il nous faut repérer un groupe de bélugas, nous en approcher, puis photographier des individus ayant des marques, cicatrices ou malformations évidentes et persistantes qui nous permettront facilement de les identifier et les reconnaitre à travers les années. À ce moment précis, tout se joue, le bateau se positionne parallèlement aux groupes, il faut maintenir une direction, une distance et une vitesse constante afin de bien suivre l’individu visé. Le béluga plonge rapidement avant de remonter et, dès son apparition, le dard est propulsé vers lui.
L’espace d’un instant, tout s’arrête, l’influence du vent et des vagues modifie la direction du dard, mais heureusement tout avait été pris en compte au moment du tir et l’animal est touché et l’échantillon, récupéré. Celui-ci ne fait pas plus de 3 cm de long par quelques millimètres de diamètre. Les échantillons seront conservés précieusement jusqu’au laboratoire où plusieurs analyses (contaminants et acides gras) seront réalisées.
La problématique amenée par plusieurs des contaminants provient de leur affinité avec les acides gras, ce qui leur permet de s’emmagasiner dans le tissu adipeux. Pour ce projet, je m’attarderai à deux groupes de contaminants prioritaires, soit les retardateurs de flammes et les composés organochlorés. Ces polluants émis par les villes et les industries se retrouvent dans l’environnement et sont graduellement intégrés dans la chaine alimentaire et parviennent jusqu’aux baleines. Certains de ces contaminants bannis depuis plusieurs années sont toujours présents dans la chair des baleines et continuent de nuire au rétablissement de cette population.
Les prochains jours s’annoncent beaux sur l’eau, ce qui permettra à notre équipe de poursuivre notre travail paisiblement. De nombreuses péripéties viendront certainement avant la fin de ce projet, mais je garde en tête le privilège et l’honneur que j’ai d’étudier et de côtoyer des animaux si exceptionnels.
Préidentifications des dernières semaines
La liste complète des bélugas identifiés nécessite un travail d’appariement minutieux qui sera poursuivi après la saison de terrain.