Depuis 50 ans, les capacités de communication au sein de cette population en danger de disparition ont diminué de deux tiers. Ce brouillard acoustique, essentiellement créé par le trafic maritime, affecte les fonctions et relations vitales de ces grands cétacés. Une menace chronique à prendre en compte, mais complexe à réduire.
L´étude a été menée par des scientifiques du gouvernement fédéral des États-Unis travaillant à la National Oceanic Atmospheric Admininstration (NOAA) et de l´Université Cornell, et publiée sur le site Internet de la revue Conservation Biology le 14 août 2012.
Dans l´aire marine protégée située dans la baie du Massachusetts, le Stellwagen Bank National Marine Sanctuary,l ‘équipe des chercheurs a enregistré et mesuré de 2007 à 2010 les niveaux du bruit ambiant et des émissions sonores des navires, ainsi que les vocalises de plusieurs espèces de grands cétacés menacés, dont les appels modulés caractéristiques des baleines noires (« up-calls » en anglais) qui débutent par un son grave et se termine dans l´aigu.
Une partie de l´étude a porté sur le mois d´avril 2008 pendant lequel 22 000 émissions sonores permettant aux baleines noires de communiquer entre elles ont été documentées. Si les chercheurs du programme de recherche bioacoustique du laboratoire de l´Université Cornell ont déjà démontré par de précédentes études que le bruit d´un seul navire pouvait empêcher une baleine noire de se faire entendre de ses congénères, cette dernière étude révèle que, la plupart du temps, le bruit ambiant combiné aux bruits intermittents du trafic maritime a restreint leur espace de communication de 63 à 67 % depuis cinq décennies.
Émettre et recevoir, leur vie en dépend
Cette augmentation de la pollution sonore est particulièrement préoccupante pour les baleines noires de l´Atlantique Nord ou baleines franches (Eubalanea glacialis), qui vivent entre la Floride et la Nouvelle-Ecosse et fréquentent les eaux côtières de la baie du Massachusetts en hiver et au printemps. Menée au bord de l´extinction par une chasse intensive, cette population en danger de disparition estimée à 490 individus bénéficie d´ailleurs de mesures de protection dans le Stellwagen Bank National Marine Sanctuary pour diminuer les risques de collision avec les navires.
À titre de comparaison, les scientifiques comparent cette situation à celle d´une soirée bruyante dans une salle qui forcerait une personne à parler beaucoup plus fort pour communiquer avec un interlocuteur, voire à sortir de la pièce. Pour les baleines, ce brouillard sonore les pousserait à changer le volume ou la fréquence de leurs appels, limitant leurs communications. Pour les grands cétacés, leurs capacités à vocaliser et à entendre sont extrêmement importantes dans leur mode de vie, bien plus que celles associées à la perception visuelle. Elles leur permettent de se rassembler, d´échanger des informations vitales pour trouver leur nourriture, se reproduire et prendre soin de leurs jeunes, s ‘orienter dans l´espace et éviter les prédateurs.
Des mesures à prendre
Les auteurs de l´étude recommandent que les impacts d´une pollution sonore globale et chronique doivent être intégrés dans les programmes de conservation prenant en compte les effets cumulés des activités humaines sur les cétacés et leurs habitats.
Mais réduire le bruit des activités humaines est d´autant plus compliqué qu´il est en partie généré au-delà des eaux territoriales et que les navires passant par les États-Unis sont basés à l´étranger et soumis à diverses réglementations. Selon la Chamber of Shipping of America, bien consciente de l´augmentation du bruit du trafic maritime et de son impact sur les baleines, le meilleur remède consisterait à construire pour les futurs navires des coques et des hélices plus silencieuses.[Conservation Biology, National Oceanic and Atmospheric Administration, Environment News Service, The Associated Press, Live Science]
En savior plus
Sur le site de National Oceanic and Atmospheric Administration (en anglais seulement) : Underwater noise decreases whale communications in Stellwagen Bank sanctuary