Des chercheurs l’ont trouvé en radiographiant des carcasses fraîches de rorquals, dans le tissu de la mâchoire inférieure, au niveau du rostre. De la taille d’un pamplemousse, il commande toute la manœuvre d’engouffrement chez les rorquals, un mécanisme d’alimentation unique chez les vertébrés. Et cela expliquerait pourquoi les rorquals sont de si gros animaux. Cette étude a été menée par une équipe de chercheurs états-uniens et canadiens, et les résultats viennent d´être publiés dans Nature.

Les rorquals sont qualifiés d’engouffreurs, et dans cette famille (Balaenopteridae), on trouve notamment le rorqual bleu qui est le plus grand animal ayant vécu sur la planète, le rorqual commun, le rorqual à bosse et le petit rorqual. Ils ne possèdent pas de dents et leur façon de s’alimenter est unique parmi les vertébrés. En effet, ils ouvrent en grand leurs mâchoires et engouffrent une énorme quantité d’eau contenant leurs proies favorites, du krill et des petits poissons, grâce à leur gorge qui se distend sous la pression de l’eau jusqu’au ventre, comme le soufflet d’un accordéon. Les fanons, installés sur la mâchoire supérieure, filtrent l’eau quand elle est expulsée et retiennent la nourriture. La langue récupère les proies qui vont être avalées. Voilà pour la description rapide et schématique de leur mécanisme d’alimentation qui s’effectue en une dizaine de secondes.

Coordonner les pièces de la mécanique

Quand on regarde de plus près les différents éléments de cet équipement très spécialisé d’un point de vue morphologique, on trouve deux mâchoires articulées de manière lâche sur le squelette, une langue qui peut s’inverser comme le doigt d’un gant, des plis extensibles sur la gorge et le ventre, ainsi qu’une structure de cartilage fibreux rigide en forme d’Y qui part du rostre au ventre.

Mais les liens et la coordination entre ces différents organes étaient encore mal connus des chercheurs jusqu’à ce qu’ils étudient aux rayons X des carcasses fraîches de rorquals en Islande et plus spécifiquement leur mâchoire inférieure. Ils ont découvert que le tissu fibreux au niveau du rostre, reliant les deux mandibules non jointes, était bien plus complexe qu’ils ne le pensaient. Ils y ont trouvé un organe sensoriel vascularisé et innervé, de la taille d’un pamplemousse.

Cet organe sensoriel envoie un message au cerveau pour qu’il démarre et coordonne le processus biomécanique de la capture des proies après avoir reçu l’information provenant des vibrisses présentes sur le rostre du rorqual qui détectent la présence des proies dans l’eau. « Nous pensons que cet organe sensoriel envoie des informations vers le cerveau, afin de coordonner le mécanisme complexe d’alimentation, qui implique la rotation des mâchoires, l’inversion de la langue et la dilatation des plis de la gorge », explique le paléobiologiste Nicholas Pyenson, chef de l’équipe.
« Cela aide probablement les baleines à percevoir la densité des proies lorsqu’elles plongent pour se nourrir », a-t-il ajouté.

Parmi les cétacés à fanons, la marque des rorquals

Même si les mandibules non jointes ont existé chez les baleines à fanons à partir de l’époque oligocène (il y a 23 à 28 millions d’années), cet organe constitue une évolution chez les rorquals, car il est absent des lignées des autres baleines à fanons existant encore aujourd’hui.

« En termes d’évolution, l’innovation de cet organe sensoriel a un rôle fondamental dans l’une des méthodes d’alimentation les plus extrêmes des créatures aquatiques », estime le zoologiste Robert Shadwick. « Il est probable que cet organe sensoriel (et son rôle dans la coordination du mécanisme d’alimentation) soit responsable du fait que les baleines revendiquent le statut des plus grands animaux vivants sur la planète », conclut-il.

En savior plus

Sur le site de Nature (en anglais seulement) : Discovery of a sensory organ that coordinates lunge feeding in rorqual whales

Actualité - 31/5/2012

Christine Gilliet

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